Cass. soc., 24 janvier 2024, n°22-19.752

 Par la présente décision, la Cour de cassation rappelle l’importance de la rédaction d’une clause contractualisant le lieu de travail, notamment à l’aune des notions de secteur géographique et de mutation géographique du salarié.

En l’espèce, le 1er novembre 2013, le contrat de travail d’une salariée était transféré à un nouvel employeur. Par courrier du 29 novembre 2013, la salariée était informée de sa nouvelle affectation sur un lieu de travail situé à 35 kilomètres de son site d’emploi initial mais dans le même département. Cette nouvelle affectation devait prendre effet dans un délai de 4 mois au plus tard. La salariée était licenciée pour faute grave après avoir refusé d’intégrer son nouveau lieu de travail.

La salariée saisissait la juridiction prud’homale aux fins de contester son licenciement, en invoquant notamment le fait que le changement de son lieu de travail constituait une modification de son contrat de travail qu’elle était en droit de refuser.

La Cour d’appel constatait notamment que le contrat de travail de la salariée prévoyait que « le lieu de travail pourra être modifié temporairement ou définitivement dans le bassin d’emploi du [lieu de travail initial] » et qu’il était donc « expressément énoncé par le contrat que [la salariée] ne pourra être affectée en dehors du bassin d’emploi de son lieu de travail initial ». Selon elle, les 2 lieux de travail ne se situaient pas dans le même bassin d’emploi de sorte que la salariée pouvait valablement refuser d’intégrer sa nouvelle affectation sans risquer de se faire licencier pour faute grave.

L’employeur formait un pourvoi en cassation que la Haute Juridiction rejetait, estimant qu’au regard des éléments relatifs à la distance séparant les 2 sites ainsi qu’aux moyens de transport les desservant, la Cour d’appel en avait exactement déduit dès que les sites ne relevaient pas du même secteur géographique.

Plus précisément, la Cour d’appel avait estimé que les 2 lieux n’étaient pas situés dans le même bassin d’emploi aux motifs que : (i) la salariée ne pouvait que très difficilement avoir recours au covoiturage en raison de ses horaires, (ii) l’employeur ne démontrait pas que le nouveau lieu de travail était facilement accessible en transports en commun, et (iii) l’usage du véhicule personnel de la salariée entraînait des contraintes supplémentaires (notamment de la fatigue et des frais financiers générés en raison des horaires de travail et de la distance).

Il en résultait que les juges du fond en avaient exactement déduit, d’une part, que l’employeur avait commis une faute contractuelle en imposant un nouveau lieu d’affectation à la salariée et ne pouvait lui reprocher son refus d’intégrer le site sur lequel il avait décidé de l’affecter et, d’autre part, que le licenciement pour faute grave de la salariée n’était donc pas justifié, condamnant l’employeur à lui verser des dommages-intérêts.

Dès lors, l’employeur doit ainsi faire preuve de vigilance tant dans la rédaction de la clause prévoyant le lieu de travail que l’appréciation de lanotion de secteur géographique selon le cas spécifique du salarié.


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