Cour de cassation, chambre sociale, 27 septembre 2023, pourvoi n° 21-21.154

Un salarié d’une société d’intérim est mis à la disposition d’une entreprise par plusieurs contrats de mission successifs pour accroissement temporaire de l’activité entre le 7 septembre et le 6 novembre 2015. Le salarié a ensuite été embauche en CDD à compter du 9 novembre 2015, jusqu’au 12 février 2016.

Le 9 juin 2016, le salarié saisit la juridiction prud’homale en vue d’obtenir la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, notamment en raison du non-respect du délai de carence entre la fin de ses contrats de mission et la conclusion de son CDD, imposé par l’article L. 1251-36 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à la date du litige.

Le Conseil des prud’hommes de Montauban, suivi par la Cour d’appel de Toulouse (CA Toulouse, 23 octobre 2020, n° 18/01997), ne donne pas droit à ses prétentions, et rejette sa demande de requalification de la relation de travail. Le salarié se pourvoit en cassation.

L’article L. 1251-36 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au moment du litige, invoqué par le salarié, impose en effet clairement l’obligation pour l’employeur de prévoir un délai de carence entre la fin du ou des contrat(s) d’intérim et le début du contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice. Ce délai est égal à :

  • 1/3 de la durée du contrat si la durée totale du contrat de mission (renouvellements inclus) est supérieure ou égale à 14 jours, ou
  • 1/2 de la durée du contrat si la durée totale du contrat de mission (renouvellements inclus) est inférieure à 14 jours.

Au soutien de sa demande, le salarié apporte la décision de la Cour de cassation du 12 juin 2014 (Cass. soc., 12 juin 2014, n° 13-16.362) qui avait jugé qu’en matière de contrats de mission, le non-respect du délai de carence au titre de l’article L. 1251-36 du Code du travail est sanctionné par la requalification de la relation de travail en CDI. Notons que, dans cette décision antérieure, l’action était dirigée contre la société de travail temporaire, et non contre l’entreprise utilisatrice, comme c’est le cas en l’espèce. La Cour de cassation avait estimé que la demande du salarié de requalification de la relation de travail contre l’entreprise de travail temporaire était bien fondée.

En l’espèce, la Cour de cassation revient, à l’occasion de cet arrêt (Cass. soc., 27 sept. 2023, n° 21-21.154), à une lecture plus stricte des cas pour lesquelles des irrégularités constatées lors de l’exécution ou à l’issue d’un contrat de mission ont pour sanction la requalification de la relation contractuelle en CDI.

Elle s’appuie sur les termes de l’article L. 1251-40 du Code du travail, qui prévoit de manière limitative les cas auxquels la sanction de la requalification doit s’appliquer  : « Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, L. 1251-11, L. 1251-12-1, L. 1251-30 et L. 1251-35-1, et des stipulations des conventions ou des accords de branche conclus en application des articles L. 1251-12 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».

La cour d’appel avait souligné que « l’article L. 1254-40 du Code du travail est restrictif quant à ses modalités d’application et il ne vise pas l’article L. 1251-36 du Code du travail » ; dès lors, peu importe que ce soit l’entreprise d’intérim ou l’entreprise utilisatrice qui fasse l’objet de cette demande, lorsqu’elle est sollicitée au titre de l’article L. 1251-36, elle doit être rejetée. En conséquence, la sanction de l’absence de respect du délai de carence obligatoire entre la fin des missions d’intérim et le début du contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice ne saurait être la requalification de la relation de travail, et le salarié doit être débouté de ses demandes d’indemnisation pour rupture abusive du contrat de travail.


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