Cass. soc., 7 mai 2024, n°22-22.641
Par un arrêt en date du 7 mai 2024, la Cour de cassation a jugé qu’en cas de mutation intragroupe, la conclusion de deux documents distincts entre le salarié et ses employeurs successifs, ne peut pas être qualifiée de convention tripartite.
Faits. En l’espèce, un salarié occupait le poste de directeur d’un restaurant. Victime d’un accident du travail, il a été placé en arrêt de travail pour motif professionnel pendant presque trois ans.
Pendant son arrêt de travail, le restaurant dans lequel il travaillait a fermé et le fonds de commerce a été cédé à une autre société du groupe. Le salarié a conclu un premier contrat avec son employeur initial, nommé « convention de rupture de contrat d’un commun accord ». En parallèle, il a conclu un second contrat avec la société cessionnaire, lequel était un contrat à durée indéterminée de directeur de restaurant.
Deux années plus tard, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Procédure. Contestant la validité de la convention de rupture conclue pendant son arrêt de travail et sollicitant la condamnation des deux sociétés à lui verser des dommages et intérêts pour nullité du licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
La Cour d’appel a débouté le salarié de ses demandes. En effet, les juges du fond ont retenu que les deux contrats signés valaient convention tripartite de sorte qu’ils n’avaient pas pour but de mettre définitivement un terme au contrat et qu’ils organisaient ainsi la poursuite de son contrat de travail.
Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation. Il arguait que les deux contrats ne valaient pas convention tripartite de sorte que la convention de rupture conclue avec son employeur initial pendant la suspension de son contrat de travail était illicite.
Solution. La Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel. En effet, la Haute juridiction rappelle les principes selon lesquels (i) les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (ancien art. 1134 C.civ) et que (ii) le contrat de travail peut être rompu à l’initiative de l’employeur, du salarié ou d’un commun accord dans les conditions prévues par la loi (art. L.1231-1 C.trav).
La Cour de cassation considère que la cour d’appel a violé ces textes au motif qu’ « il résultait de ses constatations qu’aucune convention tripartite n’avait été signée entre le salarié et ses employeurs successifs organisant la poursuite du même contrat de travail ».
Elle réaffirme ainsi qu’en cas de mutation intra-groupe et lorsque l’article L.1224-1 du Code du travail ne s’applique pas, le salarié et ses employeurs successifs doivent signer une convention tripartite laquelle ne peut résulter de deux documents distincts signés par le salarié et chacun des employeurs (dans le même sens : Cass. soc., 26 octobre 2022, n°21-10.495).
Dès lors, les deux contrats distincts ne peuvent s’analyser en convention tripartite et la convention de rupture conclue pendant la suspension du contrat de travail du salarié, alors en arrêt de travail, constitue un licenciement nul. Une unique convention tripartite entre le salarié et ses employeurs successifs est ainsi nécessaire dans le cadre d’une mutation d’employeur, même intragroupe.