Cass. soc. 7 février 2024, n° 21-22.809

Pour rappel, depuis 2016 la Cour de cassation avait abandonné la notion de « préjudice nécessaire » afin de laisser au juge le soin d’apprécier si, d’une part le salarié apportait la preuve d’un préjudice quelconque résultant du manquement allégué de l’employeur, d’autre part et si nécessaire, évaluer le montant de l’indemnisation due en réparation du préjudice subi.

Par cet arrêt du 7 février 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation apporte une atténuation ponctuelle concernant cette jurisprudence en condamnant un employeur à indemniser un salarié du seul fait du non-respect des temps de repos entre deux services sur le fondement l’obligation de sécurité de l’employeur.

En l’espèce, un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de dommages intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Le salarié soutenait que le non-respect par l’employeur, du temps de repos de douze heures entre deux périodes de travail imposé par la convention collective, lui avait nécessairement causé un préjudice.

Pour rejeter la demande du salarié, la Cour d’appel, après avoir constaté qu’à plusieurs reprises le salarié n’avait pas bénéficié du repos de douze heures entre deux services au cours des années 2014 et 2015, a finalement retenu qu’il ne justifiait d’aucun préjudice spécifique.

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.

La question posée à la Cour de cassation était ainsi de savoir si un salarié n’ayant pas bénéficié de ses temps de repos obligatoires entre deux périodes de travail peut de ce seul fait en obtenir réparation sans avoir à justifier d’un préjudice spécifique.

La Cour de cassation, dans sa décision du 7 février 2024, y répond par la positive, énonçant que le seul constat que le salarié n’a pas bénéficié du repos journalier de douze heures consécutives entre deux services ouvre nécessairement droit à réparation. Ce même principe serait applicable concernant l’application du repos journalier légal de onze heures consécutives.

La Cour de cassation précise ainsi une nouvelle exception au principe de l’absence de préjudice nécessaire concernant les temps de repos obligatoire sur le fondement de l’obligation de sécurité. La Cour de cassation avait déjà pu indiquer que le seul constat du dépassement de la durée maximale hebdomadaire et quotidienne de travail entrainait un préjudice nécessaire (Cass. soc, 14 décembre 2022, n° 21-21.411 ; Cass. soc., 11 mai 2023, n°21-22.281).

Même si certains manquements de l’employeur sont susceptibles de constituer un préjudice nécessaire, il n’en demeure pas moins que le salarié demandeur doit prouver le quantum de préjudice afin de pouvoir justifier du montant de dommages-intérêts qu’il sollicite. A défaut, le juge pourra condamner l’employeur à un montant simplement symbolique.


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