Cass. soc., 25 oct. 2023, n° 22-21.845.
Le salarié temporaire peut prétendre, en application de l’article L. 1251-18 du Code du travail, au bénéfice de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en place dans l’entreprise utilisatrice.
Par deux arrêts du 25 octobre 2023 (Cass. soc., 25 oct. 2023, n° 22-21.845 et 21-24.161), la Cour de cassation se prononce sur l’éligibilité des travailleurs temporaires à bénéficier de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en place dans l’entreprise utilisatrice.
Le prolongement jusqu’en 2026 de ce dispositif de prime PEPA, introduite par la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018, devenue prime de partage de la valeur en 2022, est actuellement en cours de débat parlementaire, dans le cadre du projet de loi de transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise.
En l’espèce, une entreprise de travail temporaire avait, par décision unilatérale du 28 décembre 2018, mis en place auprès de ses salariés permanents et temporaires, une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
L’entreprise utilisatrice au sein desquels les travailleurs temporaires exerçaient leurs missions avait également décidé de mettre en place cette prime auprès de ses salariés. La décision unilatérale précisait que les salariés éligibles étaient les salariés liés à la société par un contrat de travail au 31 décembre 2018.
Les salariés ont saisi le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le paiement par l’entreprise de travail temporaire de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en place par l’entreprise utilisatrice.
Les juges ont considéré qu’ils n’étaient pas éligibles à la prime car l’entreprise utilisatrice avait expressément exclu du champ des bénéficiaires les collaborateurs en contrat d’intérim, et les travailleurs avaient en outre perçu la prime instituée par l’entreprise de travail temporaire.
Les salariés temporaires se pourvoient en cassation.
Au soutien de leur demande, les salariés rappelaient que les salariés temporaires bénéficiaient d’un principe d’égalité de traitement avec les salariés permanents, notamment en matière de rémunération. Ils considéraient donc qu’en refusant de leur octroyer le bénéfice de cette prime, les juges du fond étaient contrevenus à ce principe.
La Cour de cassation fait droit à leurs demandes.
Elle rappelle dans un premier temps que les salariés intérimaires sont légitimes, au titre de l’article L. 1251-18 du Code du travail, à exiger une égalité de traitement avec les salariés de l’entreprise utilisatrice : « La rémunération, au sens de l’article L. 3221-3 du Code du travail, perçue par le salarié intérimaire, ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l’article L. 1251-43 du même code, que percevrait dans l’entreprise utilisatrice, après période d’essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail ».
Elle précise ensuite que la rémunération s’entend du salaire de base, ainsi que des avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier (C. trav., art. L. 3221-3 al. 3).
Selon la Cour de cassation, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, qui constitue un accessoire payé par l’employeur, entre dans la rémunération du salarié.
Elle précise également que l’article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ne dérogeait pas à l’article L. 1251-18 du Code du travail, de sorte que les juges du fonds ne pouvaient valablement débouter les salariés du bénéfice de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat au motif que les salariés temporaires n’étaient pas éligibles à la prime mise en place au sein de l’entreprise utilisatrice, et qu’ils avaient déjà perçu cette prime exceptionnelle de pouvoir d’achat telle qu’elle a été instituée par l’entreprise de travail temporaire.
De sorte que les salariés temporaires avaient droit à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat versée par l’entreprise utilisatrice, quand bien même ils en avaient déjà perçue une de l’entreprise de travail temporaire.