En présence de témoignages anonymes, les juges du fond doivent vérifier si d’autres éléments, telles que des attestations non anonymes, ont été versés aux débats.
En l’espèce, deux questions étaient posées à la Cour. La première était celle de savoir si la Cour d’appel pouvait écarter l’attestation d’une salariée qui était intervenue volontairement à titre accessoire en cause d’appel. La Cour d’appel de Toulouse avait estimé qu’en raison de sa position de partie à la procédure en cause d’appel, l’attestation n’avait plus la valeur de témoignage mais de simple dire, celle-ci ne pouvant témoigner de façon impartiale en sa faveur.
La Cour de cassation censure la Cour d’appel sur ce premier point en soulignant que l’intervenant volontaire à titre accessoire n’émet aucune prétention à titre personnel mais se limite à soutenir celles d’une partie principale. Il appartenait donc à la Cour d’appel de porter une appréciation sur l’attestation de la salariée produite par l’employeur.
La deuxième était celle de savoir si une attestation anonyme produite par l’employeur devait être écartée. En l’espèce, l’employeur justifiait le caractère anonyme de l’attestation d’un salarié de l’entreprise par la crainte de représailles de la part des collègues dont il dénonçait le comportement. La Cour d’appel avait estimé l’attestation sans valeur probante car il était impossible à la personne incriminée de se défendre d’accusations anonymes.
La Cour d’appel est censurée sur ce deuxième point également. La Cour de cassation a, dans le prolongement d’une position jurisprudentielle récente rappelé, au visa de l’article 6, §1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que les juges du fond ne peuvent se fonder uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes. Cependant, ils peuvent prendre en compte des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence.
Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-20.310