En l’espèce, un salarié a été licencié par son employeur et a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail. Il demandait notamment un rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents au titre de son temps de déplacement entre l’entrée de l’enceinte de l’entreprise et les locaux de celle-ci. Débouté en appel de ces demandes, il s’est pourvu en cassation.
Le salarié faisait valoir que lors de ces déplacements, il était tenu de pointer au poste d’accès principal, de se soumettre à des contrôles pratiques, de respecter toutes les consignes de sécurité en présence des brigades d’intervention, de respecter un protocole long et minutieux de sécurité pour arriver à son poste de travail et de respecter chacune des consignes du règlement intérieur sous peine de sanction disciplinaire. Ainsi, selon lui, ce temps de déplacement constituait un temps de travail effectif dans la mesure où il se trouvait à la disposition de l’employeur et dans l’impossibilité de vaquer à des occupations personnelles.
La Cour d’appel a cependant relevé, d’une part, que ces règles n’étaient pas imposées par l’employeur, mais par la société propriétaire du site, et d’autre part, que durant ce temps de déplacement, le salarié n’était pas à disposition de cette société, pouvant vaquer entre le poste d’accès principal et son propre bureau, sans contrôle de la part de l’employeur. Dès lors, les juges d’appel ont retenu qu’il s’agissait d’un temps de trajet ne pouvant être considéré comme du temps de travail effectif.
La Cour de cassation invalide ce raisonnement et casse l’arrêt d’appel. Elle affirme que la circonstance que le règlement intérieur était imposé par le propriétaire du site, est indifférente. En outre, la Cour d’appel aurait dû rechercher si, du fait des sujétions qui lui étaient imposées à peine de sanction disciplinaire, sur le parcours entre l’entrée du site et les bureaux de l’entreprise, le salarié était à la disposition de l’employeur et se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure de la Cour, qui a déjà pu juger que des trajets entre les vestiaires ou la salle de repos et les pointeuses constituent un temps de travail effectif dès lors que le salarié se trouve à la disposition de l’employeur, tenu de se conformer à ses directives (Soc, 13 juillet 2004, n° 02-15.142).
En outre, elle est conforme à l’avis de l’avocat général, qui rappelle que « la notion de temps de travail effectif est passée d’une conception productiviste (…) à une conception plus protectrice de la santé et de la sécurité des travailleurs, renforcée par l’intégration européenne. Cette évolution implique un renforcement de l’office du juge sur le contrôle des conditions d’exercice de l’activité de travail, lequel doit apprécier l’intensité des contraintes pesant sur le salarié ».