Dans deux arrêts du 26 octobre 2022, la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur la légalité d’une différence de traitement instituée par décision unilatérale de l’employeur.
Dans l’affaire commentée, une salariée a vu son contrat de travail transféré d’une entreprise A à une entreprise B. Considérant ne pas bénéficier du même traitement que certains de ses collègues, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes relatives au paiement de rappels de prime de treizième mois et de prime d’assiduité.
Pour rappel, le principe d’égalité de traitement aujourd’hui largement décliné vient du principe plus précis « à travail égal, salaire égal » qui a été dégagé en 1996 par l’arrêt Ponsolle. Au regard du principe d’égalité de traitement, les salariés placés dans une même situation doivent être traités de manière égale, de sorte que les éventuelles différences de traitement doivent nécessairement être justifiées par des raisons objectives et pertinentes. Certaines différences de traitement sont alors admises, mais il n’existe pas de présomption irréfragable de justification des différences de traitement (cass. soc., 3 avril 2019, n° 17-11.970).
En l’espèce, les salariés travaillant sur un même site ne bénéficiaient pas des mêmes avantages. En effet, les salariés ayant fait l’objet d’un transfert légal bénéficiaient des avantages qu’ils avaient acquis dans leur précédente entreprise et qui leur avaient été maintenus dans leur nouvelle entreprise. Bien que cette différence de rémunération entre les salariés transférés et les salariés non transférés soit justifiée par le transfert d’entreprise lui-même, l’employeur a souhaité combler cette disparité en instituant, par décision unilatérale, une prime d’assiduité à destination des salariés n’ayant pas fait l’objet du transfert.
Alors que la cour d’appel considérait que la volonté de l’employeur de réduire les disparités entre ses salariés d’un même site ne constituait pas une raison objective et pertinente justifiant la différence de traitement, la Cour de cassation a suivi le raisonnement inverse. Selon elle, l’employeur justifiait la différence de traitement avec la salariée issue du transfert légal par sa volonté de réduire les disparités entre des salariés dont les contrats de travail se sont poursuivis sur le site en application de la garantie d’emploi instituée par la convention collective des entreprises de propreté et ceux recrutés postérieurement sur le même site et placés dans une situation identique.
La Cour de cassation semble ici admettre une situation de « discrimination positive » dans laquelle un employeur peut prendre une décision unilatérale afin de traiter une catégorie de salariés de manière différente dans le but de mettre un terme à une différence de traitement.