Cour de cassation, Chambre sociale, 9 octobre 2024, n° 23-10.488, Publié au bulletin.

En application de l’article L.1221-1 du Code du travail, une société faisant partie d’un groupe peut être qualifiée de coemployeur s’il existe une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière. La Cour de cassation, par la présente décision, vient se prononcer sur le cas d’une société liée avec une autre par un contrat d’exploitation.

En l’espèce, la Française des Jeux, afin de distribuer ses produits, travaille avec des intermédiaires au statut de courtiers-mandataires. Ces intermédiaires sont liés à la Française des Jeux par un contrat d’exploitation.

Des salariés de ces intermédiaires ont saisi le conseil de prud’hommes en juillet 2012 aux fins de faire reconnaître l’existence d’une relation de travail directe entre eux et la Française des Jeux et obtenir sa condamnation au paiement d’un rappel de salaires. Par un jugement de 2019, le conseil de prud’hommes juge que la Française de Jeux et les deux sociétés ont la qualité de coemployeurs des salariés entre 2012 et 2018. Les sociétés condamnées font appel de cette décision. La Française des Jeux soutient qu’elle n’a pas été l’employeur des salariés, et les sociétés repreneurs demandent à être mises hors de cause pour les périodes précédant la reprise de l’activité des salariés.

La Cour d’appel juge que La Française des Jeux n’a ni la qualité d’employeur des salariés de 2009 à 2012, ni la qualité de coemployeur avec les sociétés employeurs des salariés de 2012 à 2018.

Les juges de la Cour d’appel retiennent qu’il ne résulte pas des pièces produites par le salarié la caractérisation d’un lien de subordination de La Française des Jeux à leur égard. De plus, la domination d’une société sur une autre est admise sans pour autant caractériser le coemploi, dès lors qu’elle n’aboutit pas à une immixtion permanente de la première sur la gestion économique de la seconde.

Les salariés forment un pourvoi en cassation. Ils soutiennent que la qualité de coemployeur doit être retenue. A cet effet, ils font valoir que les intermédiaires exerçaient leur activité avec des moyens matériels exclusivement fournis par La Française des Jeux, qui fixait les priorités commerciales, déterminait les plannings d’activité des intermédiaires, fixait des objectifs dont elle contrôlait la réalisation chaque semaine, intervenait pour leur imposer une marche à suivre auprès de chaque détaillant et assurait leur formation.

La Cour de cassation confirme le jugement des juges du fond. Elle énonce que « hors l’existence d’un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de coemployeur, à l’égard du personnel employé par une autre société, que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l’état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière. »

Le simple fait que les intermédiaires aient à se conformer à la politique commerciale définie contractuellement entre leur employeur et La Française des Jeux ne caractérise pas une confusion de direction. La Cour retient notamment l’absence de participation de La Française des Jeux en matière de recrutement ou de départ, de salaires, primes ou commissions, de régimes sociaux, et d’évolution de carrière.

La Cour de cassation rappelle donc que l’absence de toute immixtion d’une société dans la gestion économique et sociale d’autres sociétés et la préservation de l’autonomie d’action des secondes sociétés permettent de déduire l’absence de la qualité de coemployeur, et ce, même en dehors du cadre d’un groupe de société.

De ce fait, elle se place dans la continuité de la jurisprudence en la matière, qui définit comme critère du coemploi, la confusion de direction, d’intérêt et d’activités qui se traduit par une immixtion anormale dans la gestion sociale et économique d’une société (Cass. Soc., 25 novembre 2020, nº 18-13.769).


Pour aller plus loin

Vous souhaitez recevoir nos newsletters, informations et actualités ?

Inscrivez-vous ici