Cass. soc., 24 nov. 2023, n° 22-19.282

Sous certaines conditions, une personne physique peut être considérée comme entreprise dominante d’un groupe, ouvrant l’obligation pour l’employeur de mettre en place un comité de groupe.

L’article L. 2331-1 du Code du travail exige la mise en place d’un comité de groupe au sein de tout groupe d’entreprises formé par une entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle ou sur lesquelles elle exerce une influence dominante au sens des article L. 233-1 et L. 233-3 du Code de commerce.

Or, l’article L. 233-3 du Code de commerce définit l’entreprise dominante comme « toute personne physique ou morale » exerçant un contrôle sur d’autres entreprises.

Se fondant sur cette formulation, un syndicat et le comité économique et social (CSE) d’une unité économique et sociale (UES) ont saisi le tribunal judiciaire pour demander la constitution d’un comité de groupe, considérant que M. K., personne physique, détenant soit directement soit indirectement, 97 % des sociétés de l’UES, devait être considéré comme « l’entreprise dominante » de ce groupe de sociétés.

Les demandeurs à l’instance sont déboutés de leurs demandes, au motif que la loi vise une entreprise dotée d’un siège social et non une personne physique et que le législateur n’a pas entendu élargir la notion d’entreprise dominante à une personne physique.

La Cour de cassation, saisie à son tour, casse et annule l’arrêt du tribunal Judiciaire. Elle privilégie, au contraire, une définition extensive de la notion d’entreprise « dominante » visée à l’article L. 2331-1 du Code du travail, en se référant à l’article L. 233-3 du Code de commerce lequel présume le contrôle de « toute personne physique ou morale », sur une autre, lorsque celle-ci :

  • détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;
  • dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires et qui n’est pas contraire à l’intérêt de la société ;
  • détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;
  • est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société.

La Cour rappelle cependant le cas particulier des sociétés de participation financière, qui peuvent échapper à la qualification d’entreprises dominante, « à la condition que les droits de vote attachés aux participations détenues ne soient exercés […] que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et non pour déterminer directement ou indirectement le comportement concurrentiel de ces entreprises », c’est-à-dire que la société de participation financière ne s’immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des entreprises filiales (Cass. soc., 14 nov. 2019, n° 18-21.723).

Le tribunal judiciaire, se limitant à exclure l’existence d’un groupe de sociétés au seul motif que l’entreprise dominante était une personne physique, a privé sa décision de base légale ; « il lui incombait de rechercher si les sociétés en cause, qui relèvent du même secteur d’activité, étaient sous le contrôle et la direction de M. [K], de sorte que celui-ci devait être considéré comme l’entreprise dominante du groupe ».

Sa décision est cassée et annulée et renvoyée devant un autre tribunal judiciaire.


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