Cass. soc., 29 mai 2024, n°22-16.218

Par la présente décision, la Cour de cassation fait une nouvelle application du principe selon lequel un motif tiré de la vie personnelle de salarié ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. ass. plén., 22 déc. 2023, n° 21-11.330 ; Cass. soc., 6 mars 2024, n° 22-11.016).

En l’espèce, un salarié occupait notamment un poste de responsable de sites, détenait plusieurs délégations de pouvoir en matières d’hygiène, de sécurité et d’organisation du travail ainsi que la présidence des institutions représentatives du personnel (IRP).

Ce salarié était licencié pour faute grave après que son employeur lui ait reproché un conflit d’intérêt et un acte de déloyauté au motif qu’il lui avait caché depuis plusieurs années sa relation amoureuse avec une salariée, laquelle était titulaire de mandats syndicaux et de représentation du personnel.

Le salarié contestait le bien-fondé de son licenciement. Les juges du fond le déboutaient toutefois de ses demandes.

Le salarié formait alors un pourvoi en cassation, arguant que le silence gardé par un salarié sur un fait relevant de la stricte intimité de sa vie privée ne peut constituer un manquement à ses obligations contractuelles, d’autant que pour qu’un tel manquement soit sanctionné, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve d’un préjudice.

La Cour de cassation rejetait ce pourvoi, en considérant que la Cour d’appel avait justement constaté : (i) que le salarié occupait des fonctions de direction et qu’il présidait les IRP dans l’entreprise ; (ii) qu’il avait caché depuis plusieurs années à son employeur sa relation avec une salariée titulaire de mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel ; (iii) et que les deux salariés avaient été amenés à discuter de sujets sensibles pour l’entreprise, tels que les mouvements de grèves et d’occupation d’un des établissements de l’entreprise, la mise en œuvre d’un projet de réduction des effectif ou encore la négociation de plans sociaux.

A l’aune du principe énoncé en introduction, la Cour en déduisait alors que cette relation intime du salarié était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice. Dès lors, en dissimulant cet élément de sa vie privée, le salarié a manqué à son obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur et que ce manquement rendait impossible son maintien dans l’entreprise, peu important qu’un préjudice pour l’employeur ou l’entreprise soit ou non établi.

Ainsi, si les juges ne remettent pas en question ni ne s’immiscent dans la relation intime et privée des salariés, ils estiment cependant que le fait de l’avoir dissimulée dans un tel contexte constitue une faute.  Cet arrêt rappelle une fois encore, tant aux salariés qu’aux employeurs, que certains grands principes tels que celui relatif à la vie privée du salarié restent poreux et ne permettent pas de justifier toutes les situations ou comportements au sein de l’entreprise.


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