Cass. Soc., 19 mars 2025, n° 23-19.154

Des témoignages anonymisés, même non-corroborés par d’autres éléments de preuve, peuvent permettre à l’employeur de démontrer la réalité de la faute grave de son salarié.

Depuis le revirement de jurisprudence effectué par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 22 décembre 2023 (n° 20-20.648 et n° 21-11.330), les règles afférentes au droit à la preuve continuent se préciser dans le cadre des relations contentieuses entre employeurs et salariés.

Pour mémoire, ce revirement instaure l’admissibilité en justice des preuves déloyales (l’enregistrement clandestin du salarié pour la première espèce, et le recueil de propos sur le compte Facebook du salarié laissé ouvert par mégarde pour la seconde), sous réserve de leur caractère indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur.

Dans la décision commentée du 19 mars 2025, pour prouver la réalité de la faute grave ayant conduit au licenciement de son salarié – à savoir un comportement agressif et violent, tant verbalement que physiquement –, l’employeur avait produit, devant les juges du fond, deux témoignages anonymisés, constatés par commissaire de justice.

La cour d’appel avait décidé que lesdits témoignages, eu égard au fait qu’ils ne comportaient ni l’identité des témoins, ni la période durant laquelle ces derniers auraient travaillé avec le salarié, ni leur qualité au sein de l’entreprise, étaient non probants. Malgré la proposition de l’employeur de produire l’identité des témoins aux seuls membres de la cour d’appel, celle-ci en déduisait que l’existence de la faute grave n’était pas démontrée.

La Cour de cassation, saisie de ce litige, a censuré le raisonnement de la cour d’appel : la production des témoignages anonymisés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur, tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés.

Cette décision s’inscrit à contre-courant de la position habituelle de la chambre sociale, qui refusait d’autoriser le juge à fonder sa décision « uniquement ou de manière déterminante » sur des témoignages anonymes (Cass. Soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241), en raison de l’atteinte que cela porterait aux droits de la défense. 

Il convient de noter que dans cette affaire les témoignages :

  • Avaient été recueillis par un commissaire de justice assermenté,
  • Étaient tenus à la disposition du juge dans leur version non-anonymisée.

L’admissibilité des témoignages anonymes est désormais possible, mais elle n’est pas systématique : dans une décision du 12 mars 2025, la chambre sociale a décidé que des témoignages anonymisés, recueillis dans le cadre d’une enquête interne, n’avaient aucune valeur probante (Cass. Soc., 12 mars 2025, n° 23-18.11). Comme toujours en matière de droits et libertés fondamentaux, l’atteinte doit donc être justifiée et proportionnée.


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