Cour de cassation, Chambre sociale, 8 Janvier 2025 – n° 23-19.403 :

L’expertise à laquelle le Comité Social et Economique (CSE) peut décider de recourir en application de l’article L. 2315-88 du code du travail en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise ne peut porter que sur l’année qui fait l’objet de la consultation et les deux années précédentes ainsi que sur les éléments d’information relatifs à ces années.

Dans cette affaire, le comité central d’une UES a désigné un expert-comptable afin d’assister l’instance en vue des consultations prévues en matière de politique sociale et conditions de travail et d’emploi, mais aussi concernant la situation économique et financière de l’entreprise, ainsi que les orientations stratégiques de cette dernière.

Les sociétés composant l’UES et la présidente du comité central ont fait assigner le comité central et le cabinet d’expertise devant le président du tribunal judiciaire afin, à titre principal, d’annuler la délibération relative à la désignation du cabinet d’expertise-comptable, à titre subsidiaire, de juger infondé et abusif le recours à l’expertise, et à titre infiniment subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions l’étendue de la mission de l’expert, la durée et le coût prévisionnel de l’expertise et de juger que l’expert devra rectifier la liste des documents sollicités dans le cadre de sa mission. Déboutées de leurs demandes par le jugement du tribunal, les sociétés ainsi que la présidente du comité central ont formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation avait à se prononcer sur l’étendue de la mission de l’expert, sur la production de documents qui n’existaient pas et qui n’étaient pas obligatoires pour l’entreprise et sur la limite temporelle des éléments transmis au titre de l’expertise. Seul ce dernier point sera étudié ici.

Les sociétés et la présidente du CSE central soutiennent notamment que la mission de l’expert désigné pour assister le CSE dans la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise ne peut s’inscrire que dans la limite temporelle définie par l’article R. 2312-10 du code du travail pour les documents devant être mis à disposition dans la base de données économiques et sociales, à savoir, l’année en cours et les deux années précédentes. En l’espèce, contestant l’étendue des documents dont la communication était réclamée, les sociétés faisaient valoir que cette dernière portait sur une période antérieure de trois à cinq ans à la consultation du CSE. Ainsi, en rejetant la demande de voir écartés les documents litigieux, tout en constatant qu’ils avaient été réclamés dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise et qu’ils ne concernaient pas uniquement l’année en cours et les deux années précédentes, le président du tribunal judiciaire aurait, selon les sociétés et la présidente du comité central, violé les articles L. 2312-36, R. 2312-10 du code du travail, ensemble les articles L. 2315-86, 3° et L. 2315-89 du même code dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

A ce propos, la Cour de cassation rappelle dans son arrêt qu’en application de l’article L. 2312-18 du code du travail, une base de données économiques, sociales et environnementales rassemble l’ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l’employeur met à disposition du CSE. Par ailleurs, l’article R. 2312-10, 1er alinéa, du code du travail ajoute qu’en l’absence d’accord prévu à l’article L. 2312-21 du même code, les informations figurant dans la base de données portent sur l’année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu’elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes.  Dès lors, l’expertise à laquelle le CSE peut décider de recourir en application de l’article L. 2315-88 du code du travail en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise ne peut porter que sur l’année qui fait l’objet de la consultation et les deux années précédentes ainsi que sur les éléments d’information relatifs à ces années. Ainsi, en rejetant la contestation de l’UES quant à la communication d’informations dépassant ces délais, le tribunal a violé les textes précités. Par conséquent, la Cour de cassation casse et annule le jugement, en ce qu’il déboute les sociétés de leurs demandes tendant à contester l’étendue de l’expertise.

Cette décision s’inscrit dans la lignée déjà définie par des décisions antérieures de la Cour de cassation, notamment du 1er juin 2023 (n°21-23.393), qui affirmait déjà à l’identique ce raisonnement. Elle permet alors de clarifier davantage les contours des prérogatives de l’expert-comptable intervenant dans le cadre des consultations récurrentes du CSE.


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