Cour de cassation, Chambre sociale, 22 janvier 2025, n° 22-15.793
Il résulte de l’application des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du Code du travail que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée.
En revanche, la jurisprudence retient désormais qu’il résulte de la combinaison des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats. Le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve. Lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. Soc., 25 septembre 2024, n° 23-13.992 ; Cass. Soc., 14 février 2024, n° 22-23.073 ou encore Cass., Ass. Plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648).
En l’espèce, des salariées engagées en qualité de télé-secrétaires par une société exploitant un centre d’appels ont été licenciées pour faute grave. Elles saisissent la juridiction prud’homale en contestation de leurs licenciements.
L’employeur, pour démontrer les griefs formulés dans la lettre de licenciement, produit en justice une preuve tirée de l’exploitation de données personnelles issues du logiciel de gestion du centre d’appels pour contrôler et surveiller l’activité des salariées.
La Cour d’appel de Dijon, dans un arrêt en date du 3 mars 2022 (n° 19/00646), après avoir constaté que l’employeur ne justifiait pas de l’information des salariées à cet égard, rappelle que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments obtenus à partir d’un dispositif installé en méconnaissance des dispositions légales s’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie personnelle des salariés concernés au regard du but poursuivi.
La Cour d’appel constate que l’examen des pièces produites confirmait de façon précise, détaillée et individualisée les griefs formulés par l’employeur dans les différentes lettres de licenciement. L’exploitation des données ne portant que sur les communications dans le cadre de l’activité professionnelle des salariées, les juges du fond ont considéré que la production de ces pièces ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie personnelle au regard du but poursuivi et juge ainsi recevables les pièces produites par l’employeur.
Les salariées forment alors un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les salariés, confirmant ainsi le raisonnement des juges du fond en ce qu’ils ont fait ressortir que, cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée des salariées était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur au bon fonctionnement de l’entreprise.