Conseil d’État, 8e et 3e chambres réunies, 31 Mai 2024 – n° 489370

Par cette décision, le Conseil d’Etat vient affirmer que le régime fiscal des plus-values de participations substantielles réalisées par des non-résidents fiscaux français viole le droit de l’Union Européenne et le principe de liberté de circulation des capitaux.

Conformément à l’article 244 bis B du Code général des impôts (ci-après « CGI »), les plus-values de cession de valeurs mobilières de sociétés françaises réalisées par des non-résidents relèvent d’un régime particulier.  Selon ce dispositif, ces gains sont soumis à un prélèvement libératoire de 12,8% pour les personnes physiques (contre 25% pour les personnes morales) lorsque le cédant détient avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices sociaux de la société à un moment quelconque au cours des cinq ans précédant la cession. Les prélèvements sociaux ne sont, en revanche, pas applicables.

A l’inverse un résident fiscal français peut choisir d’opter, sous certaines conditions, pour une imposition selon le barème progressif (article 200 A, 2 du CGI) avec l’application des abattements pour durée de détention.

En l’espèce, un contribuable de nationalité française et résident fiscal norvégien a formé une demande visant l’annulation de commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP). Il estimait que ces commentaires portaient atteinte aux principes de liberté d’établissement et de libre circulation des capitaux, garantis par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ainsi que par l’accord sur l’Espace économique européen, aux motifs qu’ils instauraient une différence de traitement entre résidents fiscaux français et étrangers.

La Haute juridiction décide que « les dispositions de l’article 244 bis B du code général des impôts que commentent les énonciations attaquées doivent être regardées comme portant atteinte à la liberté de circulation des capitaux en ce qu’elles sont susceptibles de faire subir à un contribuable qui n’est pas fiscalement domicilié en France une taxation plus importante que celle à laquelle est soumise un contribuable qui y a son domicile ».

Le Conseil d’Etat juge que cette différence de traitement n’est justifiée par aucune différence de situation, ni ne repose sur une justification issue de l’intérêt général de cohérence du système fiscal français, contrairement à ce qu’invoquait l’Administration.

Cette décision est cependant curieuse dans la mesure où les résidents fiscaux français, à l’inverse des non-résidents, doivent s’acquitter des prélèvements sociaux au taux de 17,2% en plus de l’impôt sur le revenu. Il semble donc difficile d’imaginer une situation où un non-résident serait placé dans une situation moins favorable qu’un résident fiscal français réalisant une plus-value de cession de titres.

Une modification législative devrait donc intervenir afin de mettre en conformité l’article 244 bis B du CGI avec les exigences du droit de l’Union Européenne. Dans l’intervalle, les commentaires sont annulés et ne peuvent donc plus être appliqués (BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10 § 10 du 25 mai 2023).


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