Cour de cassation, chambre sociale, 27 novembre 2024 n°23-13.806 

Dans cette affaire, une UES a été constituée au sein d’un groupe de sociétés spécialisées dans le domaine du maintien à domicile. Cette même UES est dotée d’un comité social et économique (CSE) unique.

Ledit CSE a fait assigner les différentes associations et sociétés composant l’UES en invoquant le non-respect par l’employeur de ses prérogatives d’information et de consultation concernant les projets de réorganisation de deux des associations.

Le CSE, débouté de ses demandes en première instance, a interjeté appel, en vain. Il se pourvoit alors en cassation, reprochant à l’arrêt d’appel de refuser de suspendre le projet de réorganisation de l’association en raison de l’absence d’information / consultation sur ce projet. En l’espèce, le CSE reproche à l’arrêt d’appel d’avoir jugé que les mesures envisagées par l’employeur n’étaient pas suffisamment importantespour exiger la consultation du CSE, et de l’avoir en conséquence débouté de ses demandes, alors qu’était en cause l’introduction d’une nouvelle technologie et des modifications dans l’organisation impactant plusieurs salariés pris individuellement, lesquelles justifiaient à elle seule une consultation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le CSE. Tout d’abord, elle rappelle qu’en vertu de l’article L. 2312-8 du Code du travail, le CSE a pour mission d’assurer une expression collective des salariés, permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts. Elle ajoute que le CSE est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ainsi que l’introduction de nouvelles technologies. Or, les mesures en cause consistaient en un changement de logiciel, une modification des fiches de postes, ainsi qu’une réorganisation des locaux, ce que la Haute Juridiction qualifie de mesures ponctuelles ou individuelles. La Cour analyse chacune de ces mesures afin de les qualifier ainsi. Elle considère, pour la réorganisation des locaux, que la création d’un « open space » n’est pas démontrée, et que les attestations de dix-sept salariés établissent qu’il n’y a pas eu de modifications de leurs conditions de travail par ladite réorganisation. Ensuite, quant au changement de logiciel, elle affirme que ces mêmes attestations ainsi que celle du responsable informatique du groupe, mettent en exergue l’absence d’impact sur les conditions de travail des salariés. Enfin, sur les modifications des fiches de poste, la Haute Juridiction considère que l’organisation des astreintes demeure inchangée, ce qui, corroboré aux attestations des salariés, permet de déduire une absence de changement important dans l’organisation de leur travail. Pour finir, la Cour relève que la diminution de huit salariés dans les effectifs est en fait due à leur mutation, réalisée à leur propre demande.

Dès lors, l’ensemble de ces mesures étant sans incidence sur l’organisation, la gestion, ainsi que la marche générale de l’entreprise, et n’étant pas de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs de l’entreprise, il n’y avait pas lieu d’organiser une information / consultation du CSE.

Dès lors, si, en principe, il est de jurisprudence constante que le CSE peut agir en référé devant le tribunal judiciaire afin que celui-ci ordonne la suspension de la mise en œuvre du projet jusqu’à ce qu’il soit procédé à la consultation omise et impose, le cas échéant sous astreinte, l’organisation de cette consultation (Cass. soc. 28 nov. 2000, n° 98-19.594 ; Cass. soc. 5 mars 2008, n°07-40.273 ; Cass. soc. 10 juillet 2019 n° 18-10.815), une telle consultation n’est pas nécessaire lorsque le projet n’est constitué que de mesures individuelles ou ponctuelles « sans incidence sur l’organisation, la gestion et marche générale de l’entreprise ni de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs au niveau de l’entreprise ».

Cette solution n’est pas nouvelle, la Cour de cassation ayant déjà jugé que l’information et la consultation du CSE ne s’imposent à l’employeur que si les mesures qu’il envisage de prendre sont d’une certaine importance, et qu’elles ne revêtent pas un caractère ponctuel ou individuel (Cass. Crim. 17 juin 1986 n°85-91.956 ; 2 juin 1992 n°91-86.979 ; 13 janv. 1998 n°96-81.478).


Pour aller plus loin

Vous souhaitez recevoir nos newsletters, informations et actualités ?

Inscrivez-vous ici