Cass. Soc., 14 février 2024, n°22-23.620

Il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement si les propos d’un salarié relèvent d’une simple moquerie ou s’ils peuvent constituer une faute pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

En l’espèce, une salariée engagée en 1996 dans une entreprise de lingerie en CDI, a été convoquée après 22 ans d’ancienneté à un entretien préalable, sa mise à pied conservatoire lui ayant été notifiée. A l’issue de la procédure disciplinaire, la salariée est licenciée pour faute grave le 2 mai 2018 et saisit les juridictions prud’homales en contestation.

La société l’ayant licenciée pour son comportement, la salariée se targue de plusieurs arguments. Selon elle, (i) les preuves produites laissent subsister un doute qui profite dès lors au salarié, la société n’ayant par ailleurs pas produit le témoignage de salariés non-auditionnés dans le cadre de l’enquête interne ; (ii) la salariée se présente comme très appréciée de ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues de travail, n’ayant jamais fait l’objet de reproche en 22 ans ; (iii) la faute grave s’appréciant in concreto, en tenant compte de l’ancienneté, des qualités professionnelles et des antécédents disciplinaires, la faute grave n’est donc pas caractérisée.

Le point focal de cet arrêt repose sur l’attitude de la salariée envers ses collègues. La Cour d’appel de Paris, appuyée ensuite par la Cour de cassation, considère en effet que la salariée a adopté un comportement inadapté et harcelant se caractérisant par :

  • des critiques  ;
  • des moqueries ( à titre d’exemples : « portugaise voleuse », « Moi, Moche et Méchant ») ;
  • de la violence verbale (l’arrêt de la Cour d’appel cite notamment : « jupe trop courte », « tu as vu comment tu es, arrête de bouffer »). et physique ;
  • une déstabilisation dans les relations professionnelles ;
  • une forme de manipulation allant au-delà de simples plaisanteries entre collègues.

Faisant fi d’un ultime argument de la salariée déclarant que la Cour d’appel ne précise pas les salariés qui auraient été victimes de harcèlement moral et ne caractérise pas non plus l’existence d’agissements répétées, la Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond, relevant que l’ambivalence de l’attitude de la salariée était source de souffrance au travail.

Cet arrêt rappelle ainsi que peu importe l’ancienneté, le comportement exemplaire et l’absence d’antécédents disciplinaire de la salariée, si le cadre des simples plaisanteries est dépassé, un licenciement pour faute grave peut être prononcé.


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