Cass. Soc., 15 mai 2024, n°22-16.287
En application de l’article L. 1134-1 du Code du travail, lorsque survient un litige concernant une question discriminatoire, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il appartient alors à la partie défenderesse de prouver que la décision litigieuse est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, puis au juge d’apprécier les éléments rapportés.
En l’espèce, une salariée reprochait à sa supérieure hiérarchique d’avoir véhiculé des clichés et propos racistes à son égard en rapport avec sa couleur de peau durant un repas de Noël organisé par le comité d’entreprise.
La salariée, après avoir dénoncé les propos racistes dont elle estimait avoir fait l’objet de la part de sa supérieure hiérarchique, a été placé en arrêt maladie pendant 2 mois. Elle a ensuite saisi le Conseil de prud’hommes en vue d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat souhaitant emporter les effets d’un licenciement nul car entaché de harcèlement moral et d’une discrimination raciste.
Au soutien de sa demande, la salariée produisait des témoignages de plusieurs salariés figurant dans le compte-rendu de l’enquête menée par le CHSCT.
Malgré ces éléments, la salariée est déboutée en appel, la Cour d’appel considérant (CA Versailles 27 janvier 2022, n°20/01577) que les propos ayant été évoqués par la supérieure hiérarchique dans un contexte très particulier (organisé non pas par l’employeur mais par le comité d’entreprise), elle considère qu’ils ont été prononcés en dehors de l’entreprise et du temps de travail. Dès lors, les faits étant indépendants de la vie professionnelle de la salariée, ils ne pouvaient laisser supposer l’existence d’une discrimination, la discussion étant d’ordre personnel.
Ce raisonnement est cassé par la Cour de cassation, laquelle considère que les propos racistes tenant à la couleur de peau de la salarié, ont été tenus (i) par la supérieure hiérarchique, (ii) lors d’un repas organisé par le comité d’entreprise et (iii) au cours duquel étaient présents des collègues de travail, relèvent de la combinaison de ces éléments, de la vie professionnelle de la salariée bien qu’en dehors de son temps de travail. Ainsi et après avoir considéré que les faits énoncés étaient des faits relevant de la vie professionnelle de la salariée, la Cour de cassation caractérise le harcèlement et la discrimination, les faits étant pour elle suffisamment probants pour laisser supposer une discrimination. La Cour déclare : « Des propos racistes tenus par sa supérieure hiérarchique au cours d’un repas de Noël avec des collègues de travail organisé par le comité social et économique, relèvent de la vie professionnelle de la salariée et constituent des éléments laissant supposer une discrimination en raison des origines »