Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 28 mai 2024, 472007

Pour rappel, l’article L.4131-1 du Code du travail prévoit que le salarié peut se retirer de toute situation de travail dont il a un motif de raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. De plus, l’article L.4131-3 du même code dispose que, si le salarié exerce son droit de retrait dans la stricte limite des conditions posées par l’article susvisé, son exercice ne pourra entrainer aucune sanction ou retenue sur salaire.

Dans l’arrêt du 28 mai 2024, le Conseil d’Etat se prononce pour la première fois sur la validité d’une autorisation de licenciement accordée à un employeur reprochant à un salarié protégé l’utilisation abusive de son droit de retrait.

En l’espèce, une société a demandé à l’autorité administrative l’autorisation pour licencier un salarié protégé pour motif disciplinaire. Cette dernière avait été embauchée en qualité de chauffeur livreur depuis le mois de janvier 2008. Par une décision du 12 avril 2018, l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement en retenant comme constituant un ensemble de faits d’une gravité suffisante justifiant le licenciement l’exercice abusif par le salarié à deux reprises, les 4 janvier 2018 du droit de retrait et son refus injustifié de venir travailler le 12 janvier 2018 alors qu’il n’était qu’observateur des procédures de chargement et de déchargement en cours. Le salarié estimait légitime d’exercer son droit de retrait au motif que l’employeur n’avait pas mis à sa disposition un « pull » et un « tee-shirt » en complément de ses vêtements de protection alors qu’il était recommandé par la notice des équipements de protection de porter sous la tenue de protection des matières qui ne risquent pas de fondre en cas d’élévation de la température et déconseillé de porter la tenue à même la peau. Il a également fait usage du même droit de retrait le 8 janvier 2018 alors qu’il n’était également qu’un simple observateur au motif que la tenue mise à sa disposition et portée une seule fois était sale et alors même qu’il ne ressort pas du dossier que cette tenue aurait été tâchée par des produits inflammables.

Le salarié a formé un recours en annulation de cette décision, lequel a été rejeté par le tribunal administratif. Il a interjeté appel de cette décision puis formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat suite aux rejets successifs de ses recours.

Après avoir rappelé le principe du droit de retrait, le Conseil d’Etat rappelle qu’il appartient à l’inspecteur du travail de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des « exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi. Il doit aussi vérifier qu’il n’est pas en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec son appartenance syndicale ».

Il ajoute qu’il revient également à l’autorité administrative de rechercher si le salarié justifiait d’un motif raisonnable de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé afin de ne pas autoriser le licenciement. Le Conseil d’Etat approuve l’analyse menée par la cour administrative d’appel qui n’a pas commis d’erreur de droit ou de qualification juridique.

Le Conseil d’Etat approuve également les juges du fond d’avoir retenu que le fait pour le salarié de refuser de venir travailler le lendemain du 11 janvier 2018 sans motif légitime alors même que son horaire de fin de journée lui avait été préalablement communiqué. Ainsi, le Conseil d’Etat approuve finalement les juges du fond d’avoir retenu qu’il pouvait être caractérisé un ensemble de fautes du salarié d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la demande d’autorisation de licenciement étant dépourvue de lien avec le mandat. Le pourvoi formé par le salarié est donc rejeté.

Ainsi, par cette décision, le Conseil d’Etat se prononce pour la première fois sur l’appréciation du droit de retrait exercé par un salarié protégé. La Cour de cassation quant à elle avait déjà eu l’occasion de se juger de la situation d’un salarié non protégé et a retenu que l’utilisation injustifiée de ce dispositif peut fonder un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 21 janvier 2009, n° 07-41.935).


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