Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 27 juin 2024, 22-18.178, Publié au bulletin

Cet arrêt illustre les règles à prendre en compte par une entreprise lorsque celle-ci veut contester en justice un redressement URSSAF.

Il apporte d’utiles précisions dans le cas où un accord tacite de non-assujettissement de l’URSSAF est ensuite remis en cause par des redressements successifs.

Selon l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale (dans sa version applicable au litige), l’absence d’observations ou l’acceptation d’une pratique par l’URSSAF à l’issue d’un contrôle auprès d’un cotisant vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l’organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause, et jusqu’à ce que celui-ci notifie au cotisant une décision contraire.

En l’espèce, la société a fait l’objet d’un contrôle URSSAF portant sur les années 2015 -2017, et a été redressée notamment sur les contributions de l’employeur pour le financement de garanties de retraite supplémentaire (lettre d’observations du 29 octobre 2018).

La société a contesté cette décision en justice et fait appel du jugement de première instance, notamment en ce qu’il a confirmé le redressement URSSAF sur la retraite supplémentaire. Elle fait valoir que, dans le cadre d’un précédent contrôle portant sur les années 2011-2012 (lettre d’observation du 8 aout 2013), l’URSSAF avait envisagé un redressement sur ces contributions de retraite supplémentaire, mais que l’organisme avait abandonné ce chef de redressement par un courrier du 4 octobre 2013, considérant que ces années 2011-2012 était couvertes par accord tacite de non-assujettissement de sa part. De surcroît, ce premier redressement ayant été annulé par décision de justice du 3 février 2016, la société soutenait que l’accord tacite antérieur de non-assujettissement valait toujours pour les années 2015-2017.

La Cour d’appel de Nancy, dans son arrêt rendu le 26 avril 2022, a rejeté cette argumentation et a validé le 2ème redressement en énonçant que :

  • La société ne pouvait se prévaloir d’un accord tacite de l’URSSAF pour faire obstacle au deuxième redressement car l’URSSAF, dans son courrier du 4 octobre 2013, avait indiqué qu’elle appliquerait à l’avenir la règle de droit conduisant à l’assujettissement de ces contributions.
  • Le jugement d’annulation du 1er redressement était fondé sur une irrégularité de procédure et non sur un motif de fond et ne pouvait remettre en cause la décision prise par l’URSSAF le 4 octobre 2013 d’assujettir pour l’avenir.

La société se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société. Au visa de l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale, elle considère que la Cour d’appel a exactement déduit de tous ces éléments que la société cotisante ne pouvait se prévaloir de cet accord tacite antérieur pour s’opposer au deuxième redressement portant sur les années 2015 à 2017.

Ce faisant, elle rappelle que :

  • La notification par l’URSSAF d’une décision revenant sur accord tacite antérieur, avant un nouveau contrôle, fait obstacle à ce que l’accord tacite antérieur puisse continuer à produire effet,
  • Et qu’une décision de redressement prive d’effet un accord tacite antérieur, quand bien même ce redressement est ensuite annulé par décision de justice.

Ce dernier attendu peut paraitre très sévère à l’égard des cotisants, d’autant plus qu’il s’agit d’un arrêt publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation. Néanmoins il convient de rester prudent sur sa portée en raison des particularités de l’espèce.

L’arrêt d’appel, quant à lui, a confirmé le redressement des contributions patronales de retraite supplémentaire versées sur la période 2015-2017 au profit d’un groupe fermé de salariés au motif que ce groupe fermé ne constituait pas une catégorie objective de personnel au sens de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale. Cette décision d’appel présente un intérêt certain pour toutes les entreprises confrontées à des réorganisations entrainant des transferts de personnel.


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