Cass. Soc., 14 février 2024, n°22-23.073

Il est désormais de notoriété publique que la Cour de cassation a opéré, à l’issue des arrêts du 22 décembre, un revirement de jurisprudence détonant dans toute la sphère du droit du travail.

Par ce dernier, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit plus nécessairement à l’écarter des débats.

Après avoir appliqué ce principe à un salarié produisant une preuve illicite (v. OD Flash du 25 janvier 2024), la Cour de cassation poursuit sa logique ce 14 février en l’appliquant désormais à la preuve illicite produite par un employeur via la vidéosurveillance de son entreprise.

En l’espèce, une caissière de pharmacie a été licenciée pour faute grave, filmée en délit de vol par les enregistrements de vidéosurveillance de l’entreprise suite à des suspicions de son employeur après avoir constaté des anomalies dans son stock. 

La salariée contestant son licenciement, saisit les juridictions prud’homales considérant que l’employeur n’ayant ni (i) prévenu les salariés et les IRP de l’existence d’une vidéosurveillance, (ii) ni demander l’autorisation du préfet pour son installation et (iii) que le juge se devait de contrôler la légitimité du contrôle opérée par l’employeur et vérifier les raisons concrètes justifiant son recours, la preuve du vol était irrecevable, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion suivie par la Cour de cassation, écartent les prétentions de la salariée.

Les juges disposent en effet qu’il résulte de l’articulation de l’article 6 §1 de la CSDH et de l’article 9 du Code de procédure civile qu’il appartient effectivement au juge d’apprécier si la production d’une preuve porte une atteinte au caractère équitable du procès, et si la légitimité du contrôle opérée par l’employeur est concrète et justifiée. Ayant constaté des anomalies dans ses stocks, le fait pour l’employeur d’avoir croisé les séquences vidéos aux relevés informatiques des ventes en visionnant des enregistrements limités dans le temps, par la seule dirigeante de l’entreprise, ne porte donc pas atteinte au droit de la preuve.

Une mise en balance doit donc être effectuée entre le fait de prouver un fait litigieux et le fait d’outrepasser l’exercice de son bon droit. L’employeur se targuant du droit de veiller à la protection de ses biens, a pu produire des données personnelles issues du système de vidéosurveillance de l’entreprise, en ce que ces dernières étaient indispensables à l’exercice du droit de la preuve du vol commis personnellement par la salariée et proportionnée au but poursuivi.


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