Un salarié protégé avait signalé, aux commissaires aux comptes, des faits susceptibles d’avoir été commis par certains salariés et par des responsables de la société, pouvant selon lui recevoir une qualification pénale et notamment celle du délit d’abus de biens sociaux. Il avait adressé une copie de ce signalement au préfet et au procureur de la République. Cette dénonciation faisait suite au signalement des mêmes faits à l’inspection du travail, à l’URSSAF et au centre des impôts.

La société, considérant que ces accusations n’étaient pas étayées, avait engagé une procédure de licenciement pour faute disciplinaire et obtenu l’autorisation administrative de licencier. Le salarié avait contesté cette autorisation. Débouté par le tribunal administratif puis par la cour administrative d’appel, il avait saisi le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat précise d’abord que « dans le cas où l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation de licenciement pour faute d’un salarié protégé auquel il est reproché d’avoir signalé des faits répréhensibles, il lui appartient de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit, si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et s’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi. Lorsque ces trois conditions sont remplies, l’autorité administrative doit refuser d’autoriser ce licenciement. »

Il rappelle ensuite que, aux termes de l’article L. 1132-3-3 du Code du travail, lorsque l’alerte est le motif supposé du licenciement, le salarié qui le conteste bénéficie d’un aménagement des règles de preuve. Ainsi, il doit présenter des éléments de fait permettant de présumer qu‘il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dans les conditions prévues pour le lanceur d’alerte. C’est alors à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. La Haute juridiction administrative indique toutefois que cet aménagement des règles de preuve ne s’applique pas lorsque le licenciement est expressément fondé sur l’alerte du salarié. Dans ce dernier cas, il appartient au juge de former sa conviction sur les points en litige au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier par les parties, le cas échéant après avoir mis en œuvre ses pouvoirs généraux d’instruction des requêtes.

En l’espèce, le Conseil d’Etat constate que, « après avoir relevé que les accusations relatives à des abus de biens sociaux et à des détournements de fonds formulées par [le salarié] n’étaient étayées par aucun élément probant et mettaient en cause la probité de salariés nommément désignés ainsi que la réputation et l’image de la société, le fait qu’elles eussent été formulées dans le cadre des fonctions syndicales de l’intéressé n’étant pas de nature à leur ôter leur caractère fautif, la cour administrative d’appel (…) a jugé que [l’administration] avait pu légalement estimer que ces faits constituaient une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement [du salarié]. »

Pour la Haute juridiction administrative, en statuant ainsi, sans rechercher si les dispositions de l’article L. 1132-3-3 du Code du travail précité, dont le salarié se prévalait, faisaient obstacle à ce que l’autorité administrative autorise son licenciement, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

CE, 1° et 4° ch.-r., 27 avril 2022, n° 437735


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