Cass. soc., 18 oct. 2023, n° 22-10.761
L’employeur, informé lors des délibérations du Conseil économique et social (CSE) de la décision de recourir à des expertises dont les frais sont mis à la charge de l’employeur ne peut contester la nature de ces expertises que dans le délai de 10 jours suivant ces délibérations.
En contestant le principe de son obligation de prendre en charge l’expertise, l’employeur en conteste en réalité la nature, de telle sorte que cette contestation est irrecevable, car forclose, si elle est postérieure à ce délai.
Pour rappel, le Code du travail prévoit plusieurs modalités de prise en charge des expertises auxquelles le CSE peut recourir (C. trav., art. L. 2315-80 et L. 2315-81) :
celles dont la charge financière incombe intégralement à l’employeur :
- expert-comptable pour assister le CSE en vue de la consultation annuelle sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi (C. trav., art. L. 2315-91)
- expert-comptable pour assister le CSE en vue de la consultation annuelle obligatoire portant sur la situation économique et financière de l’entreprise (C. trav., art. L. 2315-88)
- expert-comptable en vue d’assister le CSE en vue de la consultation dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (C. trav., art. L. 2315-92)
- expert habilité en cas de risque grave, identifié et actuel (C. trav., art. L. 2315-94)
- expert habilité, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle (C. trav, art. L. 2315-94) en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle dans la base de données économiques, sociales et environnementales.
celles qui sont en principe co-financées par l’employeur et le CSE :
- expert-comptable pour l’assister en vue de la consultation annuelle sur les orientations stratégiques (C. trav., art. L. 2315-87)
- experts dans le cadre de consultations ponctuelles
celles, financées par le CSE exclusivement, en vue de l’assister pour la préparation de ses travaux (C. trav., art. L. 2315-81).
L’employeur peut contester la nécessité, le coût, l’étendue, ou le choix de l’expert désigné devant le juge judiciaire (C. trav., art. L. 2315-86) dans un délai de 10 jours (C. trav., art. R. 2315-49).
Dans cette affaire, le CSE avait décidé de recourir à un expert-comptable le 28 février 2019 en vue de la consultation portant sur la situation économique et financière de l’entreprise. Le 21 mars 2019, il décide de recourir à une nouvelle expertise, auprès du même expert-comptable en vue de la consultation portant sur la situation économique et financière de l’entreprise.
L’unique rapport de l’expert-comptable a été livré le 11 juillet 2019, et le solde de la facture de ces expertises a été adressé à l’employeur le 25 juillet, un acompte ayant déjà été versé.
Le 2 août 2019, la société a assigné la société d’expertise afin d’obtenir le remboursement de la somme versée en acompte et qu’il soit jugé qu’elle n’avait pas à verser le solde.
Elle contestait le principe du paiement du coût de l’expertise à sa charge, estimant que les délibérations ayant décidé ces expertises étaient prématurées, la première ayant été décidée avant la transmission des comptes intervenue du 24 au 27 mai 2019, et la seconde, avant le dépôt dans la BDES des documents d’information relatifs à la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi. En conséquence, l’employeur estimait que ces expertises relevaient d’expertises libres dont le CSE devait assumer seul le coût.
Le tribunal judiciaire, statuant sur renvoi après cassation suivant la procédure accélérée au fond, a estimé que la contestation sur le principe du paiement du coût des expertises revient à contester la nature même de ces expertises, de sorte qu’elle était enfermée dans le délai de dix jours suivant la date des délibérations du CSE.
La Cour de cassation confirme cette décision, et déboute l’employeur de ses demandes.
Elle estime que « l’employeur a été mis en mesure de connaître la nature et l’objet des expertises dès les délibérations du CSE, le président du tribunal, sans modifier l’objet du litige, en a exactement déduit que la saisine tardive du 2 août 2019 aux fins de contester la nature des expertises litigieuses était irrecevable pour cause de forclusion ».