Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2024, 23-13.992, Publié au bulletin

Selon l’article L. 1121-1 du Code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Mais dans le prolongement de l’arrêt d’Assemblée plénière du 22 décembre 2023 rendu en matière d’enregistrements clandestins d’entretiens, la Cour de cassation confirme que la clé USB personnelle d’un salarié, non connectée à son ordinateur professionnel et en dehors de sa présence, pouvait constituer un moyen de preuve recevable.

La salariée a été licenciée pour faute grave. Dans la lettre de licenciement, l’employeur lui a reproché d’avoir copié et récupéré sur des clefs USB des données particulièrement sensibles et stratégiques de l’entreprise. La salariée a saisi le conseil de prud’hommes, contestant le caractère réel et sérieux de son licenciement et demandant des dommages et intérêts pour violation de sa vie privée.

Elle soutient que son licenciement est fondé sur une preuve illicite dans la mesure où, selon elle, l’employeur lui aurait dérobé les clefs USB avant d’en faire analyser le contenu sans qu’elle ne soit présenté ni appelée.

La cour d’appel rend sa décision en mettant en balance le droit à la preuve avec le droit au respect de la vie privée, principe bien établi par la Cour de cassation. Elle déboute la salariée de ses demandes, et retient notamment que les cinq clefs qui se trouvaient dans le bureau de la salariée ne pouvaient être identifiées comme étant des clefs USB personnelles. Elles étaient déposées sur le bureau de la salariée, auquel l’employeur avait le droit d’accéder, même en son absence.

La salariée se pourvoit en cassation et la haute juridiction confirme la décision de la cour d’appel. Elle commence par réaffirmer que l’accès par l’employeur, sans la présence du salarié, aux fichiers contenus dans les clefs USB personnelles non connectées à l’ordinateur professionnel constitue une atteinte à la vie privée du salarié. Cependant, les juges rappellent ensuite que dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit s’assurer que celle-ci est indispensable à l’exercice du droit de la preuve et que l’atteinte aux droits au respect de la vie privée soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Les juges relèvent que l’employeur a démontré qu’il existait des raisons concrètes au contrôle de ces clefs dans la mesure où d’autres salariés avaient témoigné en expliquant avoir vu la salariée imprimer de nombreux documents sur le poste informatique d’un salarié absent. De plus, un tri des fichiers présents sur la clé a été opéré par l’expert lors du contrôle en présence d’un huissier de justice, de sorte qu’aucun fichier à caractère personnel n’a été ouvert. En outre, la Cour de cassation relève que les fichiers à caractère personnel ont été supprimés de la copie transmise à l’employeur. Il en résulte que l’atteinte à la vie privée de la salariée par l’employeur était strictement proportionnée au but poursuivi. Les pièces relatives au contenu des clefs USB litigieuses étaient donc bien recevables.

La Cour de cassation réitère, par cet arrêt, sa position en matière de preuve illicite, et continue d’encadrer strictement cette recevabilité à l’indispensable exercice du droit à la preuve et à l’atteinte des droits proportionnée au but poursuivi.


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