Cass. soc. 14 février 2024, n°21-24.135

Par principe, dès lors qu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur ne peut prononcer un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important qu’il ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause. Il est, ainsi, exclu d’envisager un licenciement pour motif économique (Cass. soc. 10 mai 2012, n°11-11.854) ou pour d’autres motifs tels que la faute grave ou la perturbation au fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc. 8 février 2023 n°21-16.258).

Par cet arrêt du 14 février 2024, la Cour de cassation rappelle qu’un licenciement pour motif économique motivé par la cessation d’activité d’une entreprise n’appartenant pas à un groupe dispense l’employeur de la mise en œuvre de la procédure spéciale de licenciement du salarié inapte.

En l’espèce, un salarié victime d’un accident du travail le 29 février 2016, a été placé en arrêt de travail à compter de cette date. Le 1er février 2019, le médecin du travail a constaté l’inaptitude du salarié à son poste. Le 16 octobre 2018, la société a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 19 février 2019. Convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, le salarié a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle et le contrat a été rompu le 21 mars 2019.

Le 20 mai 2019, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’Epernay de demandes tendant à faire dire nul le licenciement économique. Il soutenait qu’en présence d’un avis d’inaptitude, le mandataire liquidateur n’avait pas le choix du motif du licenciement, qui doit être mené obligatoirement en raison de l’inaptitude ; qu’en choisissant de licencier pour motif économique, le mandataire liquidateur avait violé les dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, rendant nulle la procédure.

La Cour d’appel, après avoir rejeté la demande de nullité du salarié, retenait toutefois que : « l’avis d’inaptitude professionnelle rendu le 1er février 2019 obligeait l’employeur à rompre le contrat de travail dans les conditions des dispositions protectrices de l’article L. 1226-10 et L. 1226-12 du code civil, excluant ainsi toute rupture pour un motif autre, y compris pour motif économique. La rupture du contrat de travail par l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, en dehors des dispositions précitées est donc sans cause réelle et sérieuse ».

Le mandataire liquidateur forme un pourvoi en cassation, en soutenant que la disparition de l’activité suite à la liquidation judiciaire de l’entreprise, justifiait le motif du licenciement, sans reclassement possible, sans égard pour l’avis d’inaptitude prononcé antérieurement.

La Cour de cassation, dans sa décision du 17 janvier 2024, a suivi ce raisonnement. Elle casse et annule l’arrêt d’appel en retenant « qu’il résultait de ses constatations que le motif économique du licenciement, non remis en cause par le salarié, ressortissait à la cessation définitive de l’activité de la société et qu’il n’était pas prétendu que la société appartenait à un groupe, ce dont se déduisait l’impossibilité de reclassement, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Cette décision de la Cour de cassation, qui n’est pas inédite, s’inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle, lorsqu’une entreprise, n’appartient pas à un groupe, est en cessation totale d’activité, l’employeur peut licencier un salarié inapte pour motif économique, et s’affranchir ainsi du régime protecteur de l’inaptitude (Cass, soc, 9 décembre 2014, n° 13-12.535, Cass. soc., 4 octobre 2017, n° 16-16.441 ; Cass. soc., 15 septembre 2021, n°19-25.613).

La Cour de cassation prend néanmoins soin, dans ses arrêts, de systématiquement préciser que dans les espèces soumises, le motif économique de la rupture n’est pas contesté.


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