Cass. soc., 8 nov. 2023, nos 22-10.350, 22-11.369, 22-12.412
Par trois arrêts du 8 novembre 2023, la Cour de cassation apporte des précisions sur le contenu des courriers portant proposition de modification du contrat de travail pour motif économique.
L’article L. 1233-3 du Code du travail permet à l’employeur de proposer aux salariés une modification d’un ou plusieurs éléments essentiels de leurs contrats de travail en cas de difficultés économiques. En cas de refus par les salariés de ces modifications, l’employeur peut engager une procédure de licenciement pour motif économique.
L’article L. 1222-6 du Code du travail prévoit que, dans ce cas, la proposition de modification du contrat de travail est transmise au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. A compter de la réception du courrier, le salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus. A défaut de réponse du salarié, la proposition de modification du contrat est réputée acceptée par le salarié.
La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser que lorsque l’employeur ne respecte pas l’une des formalités de l’article L. 1222-6, il ne peut se prévaloir ni du refus, ni de l’acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié (Cass. soc., 29 sept. 2021, n° 19-25.016).
Dans les affaires du 8 novembre 2023, la procédure avait été suivie et les délais respectés, mais les salariés mettaient en cause les imprécisions contenues dans lettres reçues, soit sur les informations relatives au reclassement proposé, soit sur les raisons économiques à l’origine de la proposition de modification contractuelle.
Dans la première affaire, il s’agissait d’une salariée opticienne à laquelle l’employeur proposait une affectation à venir dans un futur nouveau centre optique, sans préciser la date d’ouverture prévue du lieu de sa nouvelle affectation. Dans l’attente de cette nouvelle affectation, la salariée se voyait proposer des remplacements au sein d’autres centres optiques de sa région. La salariée refuse cette proposition de modification de son contrat, et l’employeur la licencie pour motif économique.
La Cour de cassation casse la décision jugeant le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse dans la mesure où l’imprécision quant à la date du reclassement définitif de la salariée et les lieux temporaires d’affectation rendaient la proposition de modification du contrat de travail insuffisamment précise pour permettre à l’intéressée de prendre position sur l’offre qui lui avait été faite en mesurant les conséquences de son choix.
Dans la deuxième affaire, il s’agissait de l’omission par l’employeur de la mention du motif économique pour laquelle la modification du contrat était envisagée. L’employeur avait justifié la proposition de réduction du temps de travail du salarié et de sa rémunération par la mise en place d’une nouvelle organisation de l’entreprise, sans justifier d’un motif économique.
La Cour en déduit qu’aucun motif économique n’étant invoqué par l’employeur, la procédure de l’article L. 1222-6 du Code du travail ne s’appliquait pas, et que l’employeur ne pouvait imposer la modification de son contrat au salarié.
En revanche, dans la troisième espèce, l’omission de l’employeur se résumait à la citation formelle de l’article L. 1222-6 du Code du travail dans le courrier envoyé au salarié, la proposition de modification du contrat du salarié étant toutefois motivée par une nécessaire réorganisation en vue de préserver la compétitivité de l’entreprise. Cette fois, la Cour estime que cette lettre s’analysait bien comme une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique et que la société pouvait donc se prévaloir du refus du salarié. Le seul défaut de visa dans la lettre à l’article L. 1222-6 du Code du travail n’est donc pas suffisante pour entacher la régularité de la procédure.