Un salarié a été embauché par la société Dimonix en qualité de responsable comptable. Le 5 septembre 2016, la société Dimonix a été rachetée par le groupe Scott, qui comprenait plusieurs filiales, dont la société Indian Océan Coffee ltd. Le salarié s’est vu notifier son licenciement pour faute grave le 12 juin 2017 et a saisi la juridiction prud’homale pour, notamment, contester la rupture de son contrat de travail.
Au soutien de ses demandes, le salarié indiquait notamment, que la procédure de licenciement a été menée de façon irrégulière. En effet, selon lui, son entretien préalable et son licenciement ont été conduits et notifiés par une personne étrangère à la société qui l’avait embauché.. Il ressort en effet des éléments du dossier que la procédure de licenciement a été conduite par le directeur de la société Indian Océan Coffee ltd, société filiale du groupe, missionné en tant que « consultant externe » par le groupe pour mener la procédure de licenciement. Le salarié en a déduit que la procédure a été menée par une personne étrangère à l’entreprise.
Cette argumentation ne convainc par la Cour d’appel de Saint-Denis. Les juges d’appel retiennent que le directeur de la société Indian Océan Coffee ltd avait reçu le 1er septembre 2016 – soit 4 jours avant le rachat –, une délégation de pouvoir de la part du Président de la société Dimonix rédigée dans les termes suivants :.
« agissant en ma qualité de président de la société Dimomix (…) donne par la présente tous pouvoirs à M.P afin d’agir en mon nom et pour mon compte dans le cadre de la gestion opérationnelle administrative et financière de la société, en ce compris notamment les opérations commerciales, les formalités administratives, la comptabilité, la gestion des ressources humaines (recrutement, gestion du personnel, conduite des procédures disciplinaires et de licenciement, etc. » et le management de manière générale (…) » :
De plus, par faisceau d’indices concordants (présence du directeur de la société Indian Océan Coffee ltd en qualité de secrétaire de séance des AGE de la société Dimonix, mention de sa qualité de directeur d’une société faisant partie intégrante du groupe lors de l’entretien préalable, mention de son nom dans les minutes des réunions du conseil d’administration Dimonix & Coffee Mayotte, etc.), la Cour d’appel susvisée déduit que le directeur de la société Indian Océan Coffee ltd ne pouvait être considéré comme étant une personne extérieure à l’entreprise.
Le salarié se pourvoit en cassation et fait grief de dire à l’arrêt que la procédure était régulière. Le salarié considère que le délégataire était étranger à l’entreprise et ne pouvait conduire la procédure de licenciement. Son pourvoi est rejeté sur ce moyen. La Cour de cassation reprend les éléments souverainement relevés par les juges du fond et confirme que le délégataire n’était pas une personne étrangère à l’entreprise au regard de son rôle dans la société Dimonix et en application de sa délégation de pouvoir très générale (gestion opérationnelle administrative et financière, gestion des ressources humaines, contrôle de l’efficacité du système de contrôle interne, etc.). En outre, la Cour de cassation relève que le directeur de la société Indian Ocean Coffee, en exécution de sa mission de consultant, avait non seulement contrôlé l’efficacité du système de contrôle interne mais avait également imposé une réorganisation des processus.
Il est constant que la procédure de licenciement doit être réalisée de bout en bout par l’employeur (articles L. L. 1232-2, L. 1232-3 et L. 1232-6 du Code du travail) et qu’il ne peut déléguer cette tâche à une personne étrangère à l’entreprise (Cass. Soc., 7 décembre 2011, n° 10-30.222). Il est parfois difficile de délimiter le périmètre de « l’entreprise » L’arrêt commenté nous apprend toutefois qu’une immixtion permanente d’un directeur d’une filiale dans la gestion opérationnelle de la société en matière financière et sociale, en application d’une délégation de pouvoir, est susceptible de caractériser l’appartenance à l’entreprise.