Une société connaît des difficultés économiques et est placée en redressement judiciaire. Un administrateur et un mandataire judiciaires sont nommés par le tribunal de commerce. Un plan de cession des actifs de la société débitrice est arrêté par jugement du 16 avril 2021, pour un transfert des actifs – et donc des contrats de travail – fixé au 1er mai 2021. La veille de la cession, la procédure de redressement judiciaire est convertie en liquidation judiciaire et un liquidateur judiciaire est nommé.

Le mandataire judiciaire, devenu liquidateur judiciaire, sollicite le régime de garantie des créances des salariés (ci-après « les AGS ») pour qu’il avance les salaires dus au titre du mois d’avril 2021, correspondants aux sommes inscrites sur les relevés de créances salariales. L’AGS oppose un refus. Le liquidateur assigne l’AGS pour obtenir le paiement des sommes litigieuses.

L’UNEDIC, en qualité de gestionnaire de l’AGS, oppose le caractère subsidiaire de l’AGS : ce n’est que si les créances ne peuvent pas être payées par le débiteur que le mandataire peut demander à l’AGS l’avance des fonds. De plus, l’UNEDIC rappelle le droit propre de l’AGS à contester l’étendue de sa propre garantie. Ces deux principes énoncés, L’UNEDIC fait ainsi valoir que l’AGS peut opérer un contrôle a priori de l’insuffisance des fonds disponibles du débiteur pour lui refuser le versement des avances, le cas échéant.

Cette argumentation ne convainc toutefois ni les juges d’appel, ni la chambre commerciale de la Cour de cassation. En effet, la Cour de cassation indique que l’obligation de justification préalable de l’insuffisance des fonds disponibles auprès des institutions de garantie n’est imposée par le Code du travail que dans l’hypothèse d’une sauvegarde judiciaire. En dehors de la procédure de sauvegarde judiciaire, par souci de célérité et compte-tenu des conditions d’application des procédures de redressement et de liquidation qui impliquent une cessation des paiements, la Cour de cassation juge qu’aucun contrôle a priori n’est ouvert à l’AGS, de sorte que, sur la présentation d’un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, l’institution de garantie est tenue de verser les sommes demandées.

Cet arrêt de la chambre commerciale, qui fait l’objet d’une très large publication, vient mettre fin à une incertitude qui résultait d’une ancienne jurisprudence de la chambre sociale. En effet, celle-ci avait déjà pu juger, au visa des mêmes textes, que la preuve de l’absence ou de l’insuffisance des fonds n’incombe pas au salarié (Cass. Soc., 21 octobre 1998, n° 96-19.865). De cette position résultait une incertitude quant au contrôle exercé par l’AGS sur l’étendue de sa garantie face à un débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire ainsi qu’au rôle dévolu au débiteur en pareille situation : devait-il apporter la preuve de l’insuffisance des fonds disponibles pour bénéficier de l’avance de l’institution de garantie ? La chambre commerciale clarifie ce point en répondant par la négative, invoquant « l’objectif d’une prise en charge rapide des [créances salariales] ». Du reste, s’agissant d’avances, l’employeur reste toutefois redevable à l’AGS des paiement effectués, l’institution de garantie étant subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle les a réalisés.

Cass. Com., 7 juillet 2023, n° 22-17.902, FS – B + R + L + C


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