En l’espèce, le groupe Intel, auquel appartenaient les sociétés Intel et IMC, avait procédé à une réorganisation de ses activités au niveau mondial. Compte tenu des suppressions d’emplois envisagées, un plan de sauvegarde de l’emploi avait été mis en œuvre au sein de ces deux sociétés. Dans le cadre de la recherche de repreneur diligentée par le groupe, l’activité de recherche et de développement des logiciels embarqués, exploitée par les sociétés IMC et Intel Corp, avait été reprise par une société appartenant à un autre groupe. Les contrats de travail des quatre-cent-soixante salariés employés par les sociétés IMC et Intel lui avaient ainsi été transférés.

Plusieurs salariés concernés par ce transfert ont saisi la juridiction prud’homale afin de contester le transfert de leur contrat de travail et obtenir la condamnation de leur employeur à leur payer diverses sommes liées à la rupture injustifiée de leur contrat de travail ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte d’une prime de projet et d’actions gratuites. Déboutés en appel, ils se sont pourvus en cassation.

Selon les demandeurs au pourvoi, l’existence d’une entité économique autonome, au sens de l’article L. 1224-1 du Code du travail, ne peut être caractérisée et admise qu’au sein d’une même société et non par référence à l’activité exercée au niveau d’un groupe de sociétés. Partant, la reprise de l’activité de recherche et de développement des logiciels embarqués, exploitée par les sociétés IMC et Intel Corp, ne peut constituer un transfert au sens de cet article.

Selon la Cour d’appel, cependant, le fait que l’activité transférée provienne de deux entreprises juridiquement distinctes mais faisant partie d’un même groupe de sociétés ne fait pas obstacle par principe à l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail. Or, en l’espèce, l’activité de recherche et développement sur les logiciels embarqués, développée par les sociétés IMC et Intel, constitue une entité économique autonome, définie comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique poursuivant un objectif propre.

La Cour de cassation approuve la position de la Cour d’appel et rejette le pourvoi. Elle rappelle tout d’abord que l’existence d’une entité économique autonome est indépendante des règles d’organisation, de fonctionnement et de gestion du service exerçant une activité économique (Soc. 27 mai 2009, n°08-40.393). Elle en déduit qu’une activité économique autonome peut résulter de deux parties d’entreprises distinctes d’un même groupe. Or, en l’espèce, la Cour d’appel avait correctement identifié l’existence d’une entité économique autonome ayant conservé son identité, de sorte que les contrats de travail devaient être transférés.

Cette solution est conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour, qui avait déjà jugé que l’article L. 1224-1 est applicable au transfert de services communs à plusieurs sociétés formant une unité économique et sociale (Soc. 29 mai 2004, n°02-17.642). Elle est également conforme à l’avis de l’avocat général, qui avait relevé que « la directive 2001/23/CE ne donne aucune définition de la notion d’entreprise mais […] la CJUE privilégie l’activité économique sur le statut juridique de la personne morale qui exerce cette activité ».

Cass. Soc. 28 juin 2023, n°22-14.834


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