En vertu du Code de procédure civile, il est possible de demander la communication de certains documents avant tout procès lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Des bulletins de paie peuvent être communiqués à une salariée qui s’estime victime d’une inégalité salariale par rapport à ses collègues masculins, lorsqu’ils sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnés au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée, juge la Cour de cassation dans un arrêt du 8 mars 2023.

Dans cette affaire, une salariée occupe un poste de « responsable projets transverses dérivés » pendant 4 ans, puis celui de directeur stratégie et projets groupe. Par la suite, cette dernière est licenciée. Elle estime avoir subi une inégalité salariale par rapport à certains de ses collègues masculins qui occupent, ou ont occupé, le même poste de « responsable projets transverses dérivés ».

La salariée saisit le Conseil de prud’hommes en référé pour obtenir la communication des bulletins de paie de ses collègues détenus par ses employeurs. Pour ces derniers, la communication de ces informations porte atteinte à la vie privée des salariés et doit donc être refusée, notamment au regard du RGPD.

La Cour d’appel accueille la demande de la salariée et ordonne à ses employeurs de communiquer sous astreinte les bulletins de paie de 8 salariés recouvrant la période de 4 ans (et au-delà) pendant laquelle elle occupait le poste litigieux, avec occultation des données personnelles, à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile.

La Cour de cassation confirme cette solution : si la communication des bulletins de paie porte atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, elle était toutefois indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

 

La Cour délivre la méthode à appliquer par les juges qui doivent :

  • d’abord rechercher si la communication demandée n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ;
  • ensuite, si les éléments demandés sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production des pièces sollicitée.

 

Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-12.492, Publié


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