Par une décision du 8 décembre 2023, le Conseil d’Etat statuant en Chambres réunies apporte des précisions quant à l’exigence de bonne foi attachée au bénéfice du statut de salarié lanceur d’alerte. En effet, conformément à l’article L.1132-3-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi du 6 décembre 2013, aucun salarié ne peut être, notamment, licencié pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
Faits. En l’espèce, un salarié, représentant syndical avait été mis à pied à titre conservatoire pour avoir proféré des accusations graves et non étayées par le moindre élément factuel à l’encontre de son ancien supérieur hiérarchique.
Procédure. Au regard de la gravité des allégations, portées notamment à la connaissance de certains dirigeants, l’employeur a sollicité conformément aux dispositions légales, une autorisation de licenciement du salarié protégé auprès de l’inspecteur du travail qui l’a refusée.
Un recours hiérarchique a ensuite été formé par la société devant le ministre du Travail, lequel a finalement accordé l’autorisation de licenciement. Cette décision a été contestée par le salarié qui a saisi la juridiction administrative.
Moyens. Ce dernier soutenait à l’appui de son recours que la décision autorisant son licenciement méconnaissait la protection des lanceurs d’alerte prévue par le code du travail.
Toutefois, sa demande a été rejetée par l’ensemble des juridictions administratives.
Solution. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat déroule la marche à suivre lorsque le licenciement du lanceur d’alerte est envisagé. Ainsi, il revient à l’autorité administrative de rechercher si les faits rapportés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit, si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ces fonctions et enfin, s’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi. Seule la réunion de ces trois éléments cumulatifs permet à l’autorité administrative d’écarter l’autorisation de licencier le salarié.
En l’espèce, outre la circonstance que le salarié n’avait étayé ses demandes par aucun élément de fait, il n’avait également fourni aucune précision à la direction de l’éthique de l’entreprise, qu’il avait lui-même saisi. En outre, le Conseil d’Etat relève qu’il ressort des pièces du dossier que le salarié avait, dans ses courriers électroniques, proféré des « accusations d’une particulière gravité […] formulées en des termes généraux et outranciers, sans que l’intéressé ait été par la suite en mesure de les préciser d’aucune manière ». Il constate, en outre, que le salarié menait en réalité « une campagne de dénigrement dirigée contre son ancien supérieur hiérarchique direct ».
La Haute juridiction administrative ne laisse subsister aucune hésitation : le salarié « ne peut, dans ces conditions, être regardé comme ayant agi de bonne foi », ainsi, le licenciement pour faute grave pouvait valablement être autorisé.
En statuant en ce sens, le Conseil d’Etat apparait retenir une conception plus étendue de la mauvaise foi que la Cour de cassation puisque cette dernière avait pu considérer antérieurement que celle-ci ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés (Cass. soc., 8 juill. 2020, nº 18-13.593 PB).