Cass. Soc., 18 septembre 2024, n°22-17.737, FS-B, n°885

Pour rappel, les conditions de recevabilité des demandes nouvelles en appel ont été modifiées par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016. Ainsi, en application du nouvel article 564 du code de procédure civile, les demandes formulées pour la première fois au stade de l’appel sont en principe irrecevables. Toutefois, l’exception est posée par les articles 565 à 566 du même code qui prévoient que ne sont pas nouvelles les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges ou encore, qu’il est possible d’ajouter aux premières demandes si elles en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Par ailleurs, il est également rappelé, en application de l’article L.1226-14 du code du travail que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (AT/MP) s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée, a au moins partiellement pour origine cet AT/MP et que l’employeur en avait connaissance au moment du licenciement.  

L’arrêt du 18 septembre 2024 a été amené à se prononcer tant sur la forme, concernant la recevabilité des demandes nouvelles, que sur le fond, à propos de l’origine de l’inaptitude de la salariée.

En l’espèce, une salariée a été engagée le 7 mars 2013 en qualité d’aide-soignante par une association d’aide à domicile. Elle a été déclarée inapte en avril 2016 puis, licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le mois suivant. La salariée a alors saisi la juridiction prud’homale de la contestation de son licenciement.

Un appel a été interjeté et la cour d’appel de Douai l’a débouté de toutes ses demandes par un arrêt du 24 septembre 2021. Ainsi, la requérante a formé un pourvoi en cassation.

Elle soutenait alors :

  • Être recevable à solliciter l’indemnité relative au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, puisqu’il ne s’agit pas d’une demande nouvelle. En effet, la salariée demandait à la cour d’appel de constater que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité uniquement pour en déduire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, prétention qu’elle avait déjà formée en première instance. De sorte que, sa demande d’indemnisation formée au stade de l’appel ne serait que le prolongement de celle déjà formulée en première instance ;
  • Que la cour d’appel aurait eu tort de retenir, pour conclure à l’absence d’origine professionnelle de l’inaptitude, qu’elle était consécutive à un arrêt de travail de droit commun, alors qu’elle se devait de rechercher par elle-même, indépendamment de la position de la CPAM si l’inaptitude n’avait pas, au moins partiellement, une origine professionnelle. En l’espèce, il était avancé que l’origine professionnelle de l’inaptitude résidait dans un accident du travail dont avait été victime la salariée en 2015 et qui avait été pris en charge par la CPAM au titre des risques professionnels.

La chambre sociale de la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel et retient :

  • Au visa de l’article 565 du code de procédure civile, que la demande de dommages et intérêts formée devant la cour d’appel par la salariée aux fins d’indemnisation des conséquences de son licenciement pour inaptitude en raison du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité tendait « aux mêmes fins que celle, soumise aux premiers juges, qui visait à obtenir l’indemnisation de la rupture du contrat de travail par l’employeur pour manquement à l’obligation de reclassement ». Cette demande nouvelle devait ainsi être déclarée recevable ;
  • Au visa de l’article L.1226-6 dans sa version antérieure à la loi du 8 août 2016 et de l’article L.1226-14 du code du travail, la cour d’appel aurait dû, pour justifier du refus d’accorder à la salariée l’indemnité spéciale de licenciement, rechercher par elle-même :
  • Si l’inaptitude avait au moins partiellement pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle et ;
  • Si l’employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement

Il revient aux juges du fond, selon la chambre sociale, de procéder à cette vérification.


Si la construction jurisprudentielle concernant les demandes nouvelles en matière sociale semble désormais achevée, il n’en est pas de même concernant l’inaptitude d’origine « partiellement » professionnelle. La Cour de cassation a ainsi rendu plusieurs arrêts du 18 septembre 2024 afin de tenter d’éclaircir la question, sans toutefois parvenir à une véritable clarification, puisque dans une autre espèce du même jour, plus contraignante voire contraire, elle a pu retenir qu’il n’est pas possible aux juges du fond, pour écarter le caractère professionnel de l’inaptitude, de remettre en cause la réalité d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle d’en être à l’origine dès lors que la CPAM a reconnu son existence par une décision de non remise en cause (Cass. soc., 18 sept. 2024, n° 22-22.782).


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