Cass. soc., 12 juin 2024, n° 23-14.292

L’article L.1142-2-1 du Code du travail, codifié en 2015, vient poser la prohibition des agissements sexistes. Définis comme étant « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant », cet arrêt du 12 juin 2024 vient tirer les conséquences de ces agissements, au prisme de l’obligation de sécurité de l’employeur découlant des articles L.4121-1 et L.4121-2 du même Code.

Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation s’interroge ici sur la question de savoir si un agissement sexiste peut être constitutif d’une faute justifiant un licenciement sur ce fondement, en vertu de l’obligation de sécurité de l’employeur.

En l’espèce, le 21 septembre 1993, un salarié a été embauché en qualité de technicien supérieur. Le 1er septembre 2016, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement devant se tenir le 12 septembre 2016. Le 11 octobre de la même année, le salarié a été notifié par son employeur de son licenciement pour faute, au motif qu’il aurait tenu des propos inappropriés à caractère sexuel à l’égard de plusieurs collègues de sexe féminin. De plus, le salarié aurait déjà tenu de tels propos par le passé.

Le 25 juillet 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’homme de Grenoble afin de contester son licenciement, et, le cas échéant, obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le 15 févier 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble déboute le salarié licencié de l’ensemble de ses demandes. Ce dernier interjette ainsi appel le 11 mars 2021.

Dans un arrêt du 2 février 2023, la cour d’appel de Grenoble infirme le jugement du conseil de prud’hommes en l’ensemble de ses dispositions, déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant l’employeur au versement de sommes au salarié, au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour d’appel infirme le jugement au motif que si les agissements sexistes du salarié pouvaient être caractérisés comme étant un comportement fautif, le défaut de sanction antérieure prise par l’employeur, alors même qu’il était au courant de ce comportement, font du licenciement pour faute une mesure disciplinaire « disproportionnée ».

Insatisfait, l’employeur forme ainsi un pourvoi en cassation. Ce dernier relève d’abord que le salarié aurait adopté un comportement fautif, en ce qu’il aurait tenu des propos « répétés à connotation sexuelle, sexistes, insultants, humiliants et dégradants à leur égard ». La cour d’appel caractérise ce comportement, répété par le salarié, d’agissements sexistes. Ainsi, en le condamnant au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts au salarié licencié, l’employeur fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir violé les articles relatifs à la prévention des agissements sexistes et à l’obligation de sécurité de l’employeur du Code du travail.

D’autre part, l’employeur estime que le comportement du salarié, malgré le fait qu’il n’ait pas engendré une sanction immédiate, constitue tout de même un comportement fautif pouvant être sanctionné par le licenciement. Il soutient alors que le fait d’avoir uniquement sermonné le salarié lors de son premier comportement fautif, ne le privait pas de son droit, voire de son obligation de le sanctionner disciplinairement, au titre de son obligation de sécurité à l’égard de ses salariés.

La chambre sociale de la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au motif qu’en vertu de l’obligation de sécurité qui incombe à l’employeur, ce dernier se doit de prendre les mesures nécessaires pour « assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Par conséquent, les propos dégradants du salarié tenus à l’égard de deux collègues de manière répétée, sont des agissements sexistes. Quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur vis-à-vis de ces agissements, ces derniers constituent un comportement fautif, et par la même, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

 Cet arrêt, le premier rendu au visa de l’article L.1142-2-1 du Code du travail, semble aller dans le sens d’une harmonisation dans le traitement des sanctions disciplinaires en matière de harcèlement sexuel et des agissements sexistes.


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