Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2024, nº22-22.145
Pour l’exercice de leurs fonctions, les membres élus de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) et les représentants syndicaux au comité disposent d’une liberté de circuler et de se déplacer dans et hors de l’entreprise. Ils peuvent « circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission ». La limitation de ce droit peut constituer un délit d’entrave (C. trav. art. L. 2315-14 ; Cass. Crim. 22 févr. 1962, n° 92-45.960). La problématique diffère lorsque les salariés concernés travaillent hors de l’entreprise, notamment au sein d’entreprises clientes de l’employeur.
La Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt du 27 novembre 2024 sur la notion de trouble manifestement illicite lorsque la liste nominative des salariés par « site client » n’a pas été transmise au CSE.
En l’espèce, la plupart des salariés d’une UES exerçaient leurs missions au sein d’entreprises clientes et le CSE d’un des établissements de l’UES a assigné la société devant la juridiction des référés afin d’obtenir la communication de la liste nominative des salariés par « site client » et les lieux de leur intervention, affirmant que le refus de cette communication entravait l’exercice de ses missions.
La cour d’appel de Versailles a ordonné à la société de transmettre au CSE, pendant 2 ans, au plus tard le 10 de chaque mois, la liste nominative, dans le périmètre du comité, des salariés par « site client » et les lieux de leur intervention.
La société a formé un pourvoi en cassation. Elle soutient notamment qu’aucune disposition légale n’impose à l’employeur de transmettre aux membres du CSE la liste nominative des salariés affectés sur chacun des sites d’entreprises clientes et que le droit des membres du comité à la prise de contact avec les salariés sur leur poste de travail était assuré par la communication aux membres du comité de la liste des sites où travaillent les salariés et de l’adresse électronique professionnelle de chaque salarié, ainsi que par la diffusion, auprès du personnel, des coordonnées des membres du comité.
La Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Elle retient que les juges du fond n’ont pas démontré l’existence d’un « trouble manifestement illicite résultant de l’impossibilité pour les membres élus du comité de prendre tout contact nécessaire à l’accomplissement de leur mission auprès des salariés à leur poste de travail dans une entreprise tierce », dès lors que le CSE disposait de la liste des sites d’intervention des salariés rattachés au périmètre du comité ainsi que du nombre des salariés présents sur ces sites et pouvaient prendre contact avec les salariés par leur messagerie professionnelle.
Par cette décision, la Cour de cassation rappelle que, lorsqu’un trouble manifestement illicite est invoqué, les juridictions doivent vérifier si les moyens déjà mis à disposition du CSE permettent d’atteindre l’objectif poursuivi et qu’aucune disposition légale n’oblige l’employeur à fournir une liste nominative des salariés affectés aux sites d’entreprises clientes.