Cass. 2e civ., 16 nov. 2023, n° 21-20.740

Dans le cadre du tournage d’un jeu télévisé, plusieurs personnes avaient été victimes d’un accident mortel lié à la chute de deux hélicoptères, dont deux salariés de la société de production.

Ces accidents avaient été reconnus comme accidents du travail par la caisse primaire d’assurance maladie, et les ayants droit d’un des salariés avait saisi le tribunal des affaires de Sécurité sociale des Hauts de Seine en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur, au titre des articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, estimant que celui-ci avait conscience du risque encouru par les victimes et n’avait pas pris toutes les précautions nécessaires pour prévenir l’accident.

Débouté en première instance, la société de production faisait valoir devant la cour d’appel (CA Versailles, 27 mai 2021, n° 18/02254) qu’étant un professionnel de l’audiovisuel et non de l’aviation civile, elle n’était pas en mesure d’appréhender elle-même les risques liés à l’utilisation d’hélicoptères. Afin de respecter l’obligation de sécurité à laquelle elle était tenue au titre des articles L. 4121.1 et L. 4121-2 du Code du travail, elle s’était précisément entourée de professionnels compétents, confiant à deux sociétés locales la responsabilité de l’ensemble des aspects tenant à la sécurité des salariés et des participants au programme, et notamment les vols en hélicoptère. L’employeur estimait avoir en conséquence pris toutes les mesures possibles pour s’assurer de la sécurité des salariés pendant ce tournage. La cour d’appel n’a pas été de cet avis et a retenu la faute inexcusable de l’employeur.

La Cour de cassation approuve cette décision. Elle pose le principe selon lequel « l’employeur ne peut s’affranchir de son obligation de sécurité par la conclusion d’un contrat prévoyant qu’un tiers assurera cette sécurité » ; il appartenait donc bien à la société de production de s’assurer elle-même que les conditions de vol et de tournage étaient de nature à assurer la sécurité de ses salariés.

La Cour avait notamment constaté que :

  • le plan de vol des hélicoptères (formation rapprochée, faible distance entre les deux aéronefs) correspond à un scenario décidé par la société de production ;
  • l’employeur n’a pas pris la précaution de demander la réalisation de vols d’essais sans passagers, n’avait pas prévu de moyens de communication entre les hélicoptères avec le sol et entre eux et n’avait pas mentionné l’existence d’un risque de collision dans le plan de sécurité et de sûreté;
  • les sociétés tierces qui sont intervenues pour assurer les prestations techniques et de sécurité demeuraient sous la supervision, la direction et le contrôle de l’employeur.

Partant, l’employeur, en imposant dans son scenario des prises de vues en formation de vol rapprochés, avait bien lui-même fait prendre des risques à ses salariés, risques dont il avait selon la Cour parfaitement conscience. Par ailleurs, il n’avait pas pris toutes les précautions et mesures nécessaires pour en préserver ses salariés. Sa faute inexcusable a donc été retenue et la décision d’appel a été confirmée.


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