Cass. soc., 4 oct. 2023, n° 21-25.421

Un salarié mécanicien disposant d’un véhicule de service commet de multiples infractions au Code de la route, notamment au cours des trajets pour se rendre sur les chantiers auxquels il était affecté. Après plusieurs courriers de l’employeur l’exhortant à adopter une conduite plus responsable au volant, ce dernier, constatant que les infractions au Code de la route perdurent, licencie le salarié pour cause réelle et sérieuse.

Le salarié conteste la validité de son licenciement, estimant que l’employeur n’était pas autorisé à prononcer un licenciement disciplinaire basé sur des faits tirés de sa vie personnelle.

La cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 14 oct. 2021, n° 19/00076) confirme cette argumentation, et juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’employeur se pourvoit en cassation.

La Cour rappelle qu’« un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » (v. Cass. soc., 26 sept. 2001, n° 99-43.636, à propos d’un salarié dont le permis de conduire a été suspendu suite à un contrôle d’alcoolémie en dehors de son temps de travail).

Rappelons que la Cour avait déjà estimé que l’employeur n’est en droit de licencier un salarié en raison de faits relevant de sa vie personnelle uniquement si :

  • les faits causent un trouble manifeste et caractérisé au fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc., 30 juin 1992, n° 89-43.840)
  • les faits justifiant la sanction constituent un manquement du salarié découlant de son contrat de travail (Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464, à propos d’un salarié ayant perdu son permis de conduire suite à un contrôle d’alcoolémie en dehors de son temps de travail, mais pour laquelle la perte du permis de conduire constituait un manquement à ses obligations professionnelles).

En l’espèce, l’employeur se base sur ce second motif pour justifier le licenciement du salarié, quatre des infractions relevées ayant été constatées pendant son temps de trajet.

La Cour rejette pourtant l’argumentation de l’employeur, considérant que

  • le véhicule n’ayant pas été accidenté, l’outil de travail mis à la disposition du salarié n’avait subi aucune dommage
  • les infractions ayant été commises durant les temps de trajet, le salarié n’était pas à ces moments-là à la disposition de l’employeur.

Elle en déduit que le comportement de l’intéressé n’a pas eu d’incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien.

La cour d’appel avait souligné qu’en l’espèce les infractions relevées n’ont pas eu pour conséquence la perte du permis de conduire du salarié, et que les amendes découlant des infractions avaient été payées par le salarié.

Que faut-il déduire de cette décision quant-à la responsabilité encourue par l’employeur en cas d’accidents survenus pendant le temps de trajet ? En effet. la 2e chambre civile de la Cour de cassation estime de son côté que les accidents de circulation qui surviennent pendant les trajets du salarié vers les sites où il doit exercer ses missions sont présumés imputables au travail, et donc couverts par la protection prévue à l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale au titre des accidents du travail (Cass. 2e civ., 1er juill. 2003, n° 01-13.433). En conséquence, force est de constater que l’employeur est, d’un côté, imputable des conséquences financières de l’accident de trajet au titre de la législation des accidents du travail, mais dans l’impossibilité, d’un autre côté, d’exiger le respect des obligations de sécurité de nature à éviter ces accidents de trajet.


Pour aller plus loin

Vous souhaitez recevoir nos newsletters, informations et actualits ?

Inscrivez-vous ici