Cass. soc., 7 févr. 2024, n° 22-15.842 , FS-B

Pour rappel, en cas de litige relatif à l’accomplissement d’heures supplémentaires, la charge de la preuve est partagée. En effet, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement.


De plus, concernant les salariés qui ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur est tenu de mettre en place les documents nécessaires au décompte de la durée du travail et de repos. Ces documents doivent être tenus à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail.

C’est à ce propos que l’arrêt du 7 février 2024 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce, et plus particulièrement concernant le cas du droit à la preuve de l’employeur en l’absence de mise en place d’un système formel de contrôle du temps de travail qui soit objectif, fiable et accessible.  

En l’espèce, une salariée embauchée en qualité de coiffeuse dans une société ne pratiquant pas un horaire de travail collectif a saisi la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement notamment, de rappels d’heures supplémentaires.

Le conseil de prud’hommes ainsi que la cour d’appel l’ont débouté de ses demandes, considérant que les éléments produits par la salariée ne permettaient pas de démontrer qu’elle avait accompli des heures supplémentaires.

Elle s’est ainsi pourvue en cassation, en soutenant au moyen de son pourvoi que le juge ne peut pas prendre en considération en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, les documents ne provenant pas d’un système objectif, fiable et accessible de mesure de la durée du travail.

En réponse, la Cour de cassation évoque dans un premier temps les dispositions du droit de l’Union européenne, obligeant l’employeur à contrôler de manière précise et fiable la durée du travail en rappelant que, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne retient, afin de garantir une application effective des droits énoncés dans la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et du droit fondamental consacré à l’article 31, paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que les États membres sont tenus d’imposer aux employeurs l’obligation d’établir un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée quotidienne du temps de travail de chaque salarié (arrêt CJUE, 14 mai 2019, affaire C-55/18, point 60, Federación de Servicios de Comisiones Obreras, CCOO).

Néanmoins, elle ajoute dans les motifs de sa décision que: « L’absence de mise en place par l’employeur d’un tel système ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies. »

En d’autres termes, l’employeur qui n’a pas respecté ses obligations règlementaires en matière de décompte et de contrôle du temps de travail peut contester la demande de rappel d’heures supplémentaires formulée par un salarié à l’appui de documents de contrôle ne répondant pas aux exigences du droit de l’Union européenne. Cela suggère qu’il peut utiliser d’autres moyens pour prouver le temps de travail des salariés. En outre, la Cour précise que ces éléments peuvent être soumis à un débat contradictoire, permettant ainsi au salarié de contester ces informations.


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