Cass. soc. 6 mars 2024, n° 22-11.016

Par arrêt du 6 mars 2024, la Cour de cassation réaffirme le principe selon lequel un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, en l’appliquant à une situation interne à la vie de l’entreprise.

En l’espèce, une salariée a été licenciée pour faute grave pour avoir envoyé des messages, identifiés comme étant « personnels et confidentiels » à caractère raciste et xénophobe à destination d’autres salariés de l’entreprise via sa messagerie professionnelle.

La salariée saisit la juridiction prud’homale pour contester son licenciement, arguant de la violation de son droit à la vie privée et au secret des correspondances. L’employeur affirmait, en réponse, que l’usage de la messagerie électronique mise disposition des salariés par l’employeur pour émettre un courriel contenant des propos racistes ou xénophobes est constitutif d’une faute grave.

Suivant le raisonnement de la Cour d’appel qui avait jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur.

  • Elle constate, d’abord que les courriels s’inscrivaient dans un cadre d’échanges privés et qu’ils n’ont été connus par l’employeur que par suite d’erreur d’envoi.
  • Elle retient, ensuite, que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, n’avait fait état d’une incidence particulière des messages envoyés via sa messagerie professionnelle sur son emploi et sur l’image de l’employeur ;
  • Enfin, elle rappelle que les salariés peuvent néanmoins utiliser leur messagerie professionnelle pour des échanges privés dans la mesure où cela reste raisonnable, à l’instar de cette espèce où il était reproché l’envoi de 9 messages sur 11 mois, jugé non excessif par la cour d’appel.

En conséquence, les juges du fond en ont exactement déduit, selon la Cour de cassation, que l’employeur ne pouvait, pour procéder au licenciement de la salariée, se fonder sur le contenu des messages litigieux, qui relevaient de sa vie personnelle.

La Cour prône une appréciation stricte de la protection de la vie privée, y compris sur le lieu de travail, indépendamment des faits reprochés, et considère que l’utilisation de la messagerie professionnelle ne suffit pas, à elle seule, à écarter l’atteinte à la protection de la vie personnelle, alors même que la nature discriminatoire et xénophobe des courriels était manifeste et non contestée. Il convient dans de telles circonstances que l’employeur démontre dès la lettre de licenciement que l’attitude du salarié a une incidence particulière sur la vie de l’entreprise ou son image publique.


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