Cour de cassation, Chambre sociale, 6 novembre 2024, n° 23-14.706
Le 6 novembre 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision importante à propos des indemnités et rappels de salaire dus en cas de nullité d’un licenciement.
Dans cette affaire, une salariée a été licencié pour faute grave et a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail. Ses demandes ont été accueillies jusqu’en appel. L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation.
Ce dernier fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme des salaires dus pendant la période de protection dont elle faisait l’objet en raison de son état de grossesse, alors que cette période était couverte par la nullité, et qu’un licenciement jugé nul en raison de son caractère discriminatoire ne peut donner lieu qu’à une indemnité égale à au moins six mois de salaire, si aucune réintégration n’est demandée. Par conséquent, l’employeur soutenait que la salariée ne saurait percevoir les salaires dus sur cette période
La question posée à la Haute Juridiction était alors celle de savoir si un licenciement frappé de nullité en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l’état de grossesse d’une salariée pouvait donner lieu, en plus de l’indemnité équivalent à six mois de salaire, au paiement des salaires dus pendant la période de protection, alors même que la salariée n’a pas demandé sa réintégration dans l’entreprise ?
La Cour de cassation répond par la positive et rejette le pourvoi formé par l’employeur. Elle considère en effet que la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 impose aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses enceintes pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu’au terme du congé maternité. La cour ajoute que l’article 18 de la directive 2006/54/CE du parlement européen du Conseil du 5 juillet 2006 impose aux Etats membres d’introduire dans leur ordre juridique interne les mesures permettant de veiller à la réparation ou à l’indemnisation du préjudice subi par une personne lésée du fait d’une discrimination fondée sur le sexe.
La chambre sociale rappelle également une jurisprudence constante de la CJUE selon laquelle un licenciement prononcé pendant le congé maternité ne pouvant concerner que les femmes, celui-ci constitue nécessairement une discrimination fondée sur le sexe. Elle rappelle également que la Cour de justice juge que le rétablissement de la situation d’égalité dans le cas d’un licenciement discriminatoire implique, en l’absence de réintégration, une réparation pécuniaire qui doit permettre de compenser intégralement les préjudices causés par le licenciement.
La Cour de cassation déduit des articles L. 1225-71 et L. 1235-3-1 du code du travail, portant respectivement sur les causes de nullités du licenciement, et sur les indemnités dues dans une telle hypothèse, interprétés à la lumière du droit européen précité, que la salariée qui ne demande pas sa réintégration a droit, en plus des indemnités de rupture et de l’indemnité au moins égale à six mois de salaire, aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité.
La Cour de cassation, prenant essentiellement appui sur l’état du droit européen en matière de nullité du licenciement, rend une décision dont la portée ne doit pas être entendue de manière trop large. Tout d’abord, elle ne concerne que les cas de licenciements nuls ne donnant pas lieu à l’application des barèmes Macron : il faudra donc en amont que le salarié démontre que le licenciement s’appuie sur l’un des motifs prohibés de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail, justifiant sa nullité. Cet arrêt appelle néanmoins à la prudence des employeurs dans le prononcé de licenciements qui, susceptibles d’être entachés de nullité, pourraient donner lieu au versement d’une indemnité conséquente puisque visant la réparation intégrale du préjudice causé.