Cass. Soc., 14 févr. 2024 n° 22-18.014

Bien qu’inédit, cet arrêt revêt pourtant une grande importance pour les sociétés en rappelant les potentielles conséquences d’une négligence dans le traitement du droit à l’image de leurs salariés.

Le droit à l’image trouve son assise au sein du droit fondamental au respect de la vie privée, prévu notamment par l’article 9 du Code civil qui dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Cela inclut également le salarié au sein de l’entreprise, le lien de subordination avec l’employeur ne permettant pas de priver le salarié de son droit au respect de sa vie privée et donc de son droit à l’image.

En l’espèce, un salarié embauché en 2010 et licencié en mars 2017, saisissait la juridiction prud’homale en août 2017 aux fins de contester son licenciement et d’obtenir diverses demandes à titre salarial et indemnitaire, notamment relatives à la violation de son droit à l’image en reprochant à son employeur la diffusion de sa photo sans son accord sur une plaquette à destination de clients.

Les juges du fond déboutaient le salarié, faute de preuve apportée par ce dernier leur permettant d’apprécier la réalité de l’atteinte invoquée à son droit à l’image. En effet, bien que la société ait utilisé son nom de famille et son image à l’occasion de deux campagnes publicitaires en 2012 et 2015, le salarié n’était pas dans la possibilité de produire une pièce utile à l’appui de sa prétention.

Le salarié formait alors un pourvoi en cassation. La Haute juridiction lui donnait raison, cassant l’arrêt d’appel, en se référant au propre aveu de la société. Cette dernière avait bien diffusé auprès de ses clients une plaquette de présentation, comportant une photographie du visage et une du buste de chaque salarié sans demander leurs accords préalables. La société ne contestait donc pas avoir utilisé l’image du salarié et le salarié confirmait dans ses écritures qu’il n’avait pas donné son accord à cette utilisation. Il en résultait que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation.

Dès 2022, la Cour avait déjà précisé que l’employeur devait obtenir l’accord du salarié pour capter, conserver, reproduire et utiliser l’image d’un salarié. À défaut, le salarié pouvait demander des dommages-intérêts sans avoir à apporter la preuve d’un préjudice. La Cour considérait en effet que la seule constatation d’une atteinte au droit à l’image ouvrait droit à réparation (Cass. Soc., 19 janvier 2022, n° 20-12.420).

Le présent arrêt s’inscrit donc dans la droite ligne de cette décision en venant, d’une part, préciser que ce principe est également vrai même en cas de lacunes en matière de production de pièces en justice et, d’autre part, rappeler que le droit à l’image n’est pas limité à une forme particulière, se traduisant souvent par une de photo du salarié pour une campagne publicitaire ou site internet de la société, mais également à des plaquettes envoyées aux clients.

Par conséquent, tout employeur doit faire preuve de vigilance en matière de droit à l’image.

Il est donc vivement recommandé aux employeurs souhaitant utiliser l’image de leurs salariés, pour la préparation de tout projet interne ou externe à l’entreprise, de recueillir au préalable leur autorisation expresse et écrite ainsi que de prévoir un cadre d’utilisation.


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