Cass. Soc., 24 avril 2024, n°23-11.824

Par un arrêt en date du 24 avril 2024, la Cour de cassation a jugé que, dans le cadre d’une action en requalification de contrats de mission en contrat à durée indéterminée (ci-après « CDI »), les demandes indemnitaires accessoires telles que l’indemnité pour licenciement abusif et l’indemnité de préavis sont régies par les délais de prescription qui leur sont propres.

Faits. En l’espèce, un salarié, engagé par une entreprise de travail temporaire, a été mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice par trois contrats de mission entre mars et avril 2017.

Procédure. En février 2019, le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins de demander, d’une part, la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée et d’autre part, l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement abusif et une indemnité de préavis.

La Cour d’appel a rejeté partiellement les demandes du salarié. En effet, les juges du fond ont constaté que le salarié avait agi en justice 1 an et 11 mois après la fin de son dernier contrat de mission. La demande de requalification des contrats de mission en CDI, se prescrivant par deux ans, n’était pas prescrite. En revanche, concernant les demandes indemnitaires, les juges du fond ont retenu que les demandes indemnitaires relatives au licenciement abusive et à l’indemnité de préavis étaient relatives à la rupture du contrat de travail et qu’elles se prescrivaient ainsi par un délai d’1 an à compter de ladite rupture. En conséquence, ils ont jugé que les demandes indemnitaires étaient prescrites et donc les ont rejetées.

Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation. Selon lui, le droit au paiement des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement abusif naissait au jour de la requalification des contrats de mission en CDI et était à ce titre soumis à la même prescription biennale que l’action en requalification.

Solution. La Cour de cassation censure partiellement le raisonnement des juges du fond en rappelant le principe selon lequel la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée (Cass, ass. plen., 10 juin 2005, n°03-18.922). Elle examine alors successivement les demandes formulées par le salarié en faisant une application distributive des délais de prescription applicables

  • Concernant la demande relative aux dommages et intérêts pour licenciement abusif :

La Cour de cassation rappelle d’abord que depuis le 23 septembre 2017, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois à compter la notification de la rupture (article L.1471-1 alinéa 2 du Code du travail et article 40 II de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dite « ordonnance Macron »).

La Cour relève ensuite que la relation de travail entre le salarié et l’entreprise utilisatrice avait pris fin en avril 2017 et que celui-ci avait agi en justice en février 2019, soit plus d’1 an après la rupture du contrat de travail.

Pour la Cour, le délai de prescription de 12 mois n’étant pas respecté, la demande du salarié est prescrite, peu important que la demande de requalification de son contrat de travail ne le soit pas.

En d’autres termes, il s’agit bien de la rupture du contrat de travail qui fait courir le délai de prescription, conformément à l’article L.1471-1 du Code du travail, et non le prononcé de la requalification des contrats de mission en CDI.

La Cour de cassation confirme ainsi l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point.

  • Concernant la demande relative au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents :

La Haute juridiction rappelle ici que l’action en paiement du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (article L.3245-1 du Code du travail).

Elle relève que le salarié a été débouté de sa demande par la cour d’appel alors que (i) l’action en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, laquelle a la nature d’une créance salariale, est soumise à la prescription triennale, et que (ii) le salarié avait agi en justice moins de trois années après la rupture de son contrat de travail. Dès lors, cette demande n’était pas prescrite.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point.


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