Conseil d’État, 16 mai 2025, n°493143

Une salariée protégée a signé avec son employeur une rupture conventionnelle qui a recueilli l’autorisation de l’Inspection du travail (pour mémoire, alors que l’Inspection du travail se limite à homologuer les conventions pour des salariés « classiques », elle autorise ou non la rupture conventionnelle des salariés protégés)

Estimant toutefois que son consentement a été vicié, la salariée concernée attrait quelque temps plus tard son ex-employeur, alors en liquidation judiciaire, devant le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir le règlement de diverses indemnités.

En vertu d’une jurisprudence constante selon laquelle l’appréciation de la validité d’une rupture conventionnelle ne peut relever que de la compétence du juge administratif (Cass. Soc. 20 décembre 2017 n°16.14880), le Conseil de prud’hommes de Mulhouse sursoit alors à statuer jusqu’à ce que le Tribunal administratif se soit prononcé sur cette question préjudicielle (Décret n°2015-233 du 27 février 2015).

Par un jugement du 19 mars 2024, le Tribunal administratif de Strasbourg prend le contrepied de l’Inspection du travail : pour considérer que le consentement de la salariée a été vicié, il retient que cette dernière a été l’objet de faits de harcèlement moral de la part de son employeur et que, consécutivement, la violence morale exercée par son employeur a été de nature à affecter son consentement à la rupture conventionnelle. Le Tribunal s’appuie notamment à cet égard sur un courriel adressé par la salariée à l’Inspection du travail dans lequel elle exprimait son intention de solliciter une rupture conventionnelle faute d’avoir été déclarée inapte par le médecin du travail. 

Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement. Il rappelle tout d’abord qu’il incombe à l’inspection du travail dans le cadre de la procédure d’autorisation d’une rupture conventionnelle conclue par un salarié protégé de vérifier qu’aucune circonstance, en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par le salarié ou avec son appartenance syndicale, n’a été de nature à vicier son consentement.

Il souligne ensuite que l’existence de faits de harcèlement moral ou de discrimination syndicale, commis par l’employeur au préjudice du salarié protégé, n’est, en elle-même, pas de nature à faire obstacle à ce que l’inspection du travail autorise une rupture conventionnelle, sauf à ce que ces faits aient, en l’espèce, vicié le consentement du salarié.

Or, au cas présent, la salariée était accompagnée par une avocate durant la procédure de rupture de son contrat de travail dont elle avait elle-même sollicité le bénéfice ; elle avait par ailleurs eu plusieurs échanges avec le médecin du travail dans les semaines qui l’ont précédée. En outre, l’employeur n’était pas à l’initiative de la rupture, n’avait pas fait pression sur la salariée et avait procédé à la signature après deux entretiens espacés de plus d’une semaine.

Le Conseil d’Etat annule en conséquence le jugement au motif qu’il a inexactement qualifié les faits de l’espèce et règle, par le même arrêt, l’affaire au fond, par application de l’article L 821-2 du code de justice administrative.

A ce titre, pour décider que la décision de l’Inspection du travail n’est pas entachée d’illégalité, il retient que, contrairement à l’argumentation développée par la salariée, la consultation du CSE avait été régulière et que la présence aux côtés du représentant légal de son employeur lors de l’entretien préalable de la Directrice des ressources humaines, alors qu’elle s’était présentée seule pour sa part, ne pouvait être assimilé à une contrainte.

Enfin et surtout, rejoignant la Jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Soc. 23 janvier 2019 n°17-21.550) le Conseil d’Etat souligne de nouveau que, quand bien même aurait été allégué un contexte de harcèlement moral, cette circonstance n’était pas de nature à prévaloir sur le fait qu’il n’était pas objectivement établi que le consentement de la salariée avait été vicié.


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