Le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement moral est nul, y compris si le salarié n’a pas qualifié ces faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, juge désormais la Cour de cassation dans un arrêt du 19 avril 2023.

En l’espèce, une salariée d’une association dénonce, par lettre, le comportement du directeur de foyer ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé. Puis, la salariée est licenciée pour faute grave. Il lui est reproché, dans la lettre de licenciement, la dénonciation de ces faits (qu’elle ne qualifie pas de harcèlement moral). La salariée sollicite notamment la nullité de son licenciement et le paiement de diverses sommes au titre du harcèlement moral devant le Conseil de prud’hommes.

La Cour d’appel déclare le licenciement nul et condamne l’employeur au paiement d’une somme sur ce fondement.

L’employeur soutient que le juge ne peut prononcer la nullité du licenciement qu’à la condition que le salarié ait qualifié les agissements visés de harcèlement moral. En effet, en vertu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, un salarié ne pouvait bénéficier de la protection contre le licenciement que s’il avait lui-même qualifié les faits dénoncés d’agissements de harcèlement moral.

La Cour de cassation écarte cet argument et opère un revirement de jurisprudence. Elle estime qu’il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.

 

Pour ce faire, la Cour fonde sa décision sur :

  • le fait que l’employeur a la faculté d’invoquer devant le juge, sans qu’il soit tenu d’en avoir fait mention au préalable dans la lettre de licenciement, la mauvaise foi du salarié licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral ;
  • la protection conférée au salarié licencié pour un motif lié à l’exercice non abusif de sa liberté d’expression, dont le licenciement est nul pour ce seul motif, à l’instar du licenciement du salarié licencié pour avoir relaté, de bonne foi, des agissements de harcèlement.

 

Ici, l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par la lettre litigieuse, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral. De plus, la mauvaise foi de la salariée n’étant pas démontrée, le reproche de la dénonciation de faits de harcèlement moral emportait à lui seul la nullité du licenciement.

 

Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053, Publié


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