Licenciement individuel pour motif économique : l’employeur n’est pas tenu de réunir et consulter le CSE par Jean-Marc Albiol, Avocat associé et Mohamed El Kendaoui, Juriste, Ogletree Deakins, cabinet dédié au droit social
Publié dans Dalloz Actualité – édition du 21 avril 2023
SOCIAL | Rupture du contrat de travail
La suppression d’un poste, même si elle s’accompagne de l’attribution des tâches accomplies par le salarié licencié à un autre salarié demeuré dans l’entreprise, est une suppression d’emploi qui, si elle repose sur un motif économique, justifie la mise en oeuvre d’une procédure de licenciement économique. L’employeur n’a l’obligation de réunir et consulter le comité social et économique que lorsqu’il envisage de procéder à un licenciement pour motif économique d’au moins 2 salariés dans une même période de 30 jours. Ayant constaté que 2 des 3 salariés concernés avaient accepté leur reclassement interne au sein du groupe, en sorte que le licenciement économique n’avait été envisagé qu’à l’égard d’un seul salarié, la cour d’appel ne pouvait pas condamner l’employeur au paiement de dommages-intérêts à ce dernier en raison d’un défaut de consultation des représentants du personnel.
En l’espèce, une entreprise a projeté le licenciement pour motif économique de trois salariés. À l’issue des propositions de reclassements aux salariés concernés, deux d’entre eux avaient pu être reclassés dans l’entreprise, tandis que le troisième a été licencié pour motif économique. Les tâches qu’il effectuait au sein de l’entreprise en tant que directeur de projet ont été confiées à un autre salarié demeuré dans l’entreprise.
Le seul salarié finalement concerné par le licenciement pour motif économique avait considéré que l’employeur aurait dû réunir et consulter le comité d’entreprise sur le projet de licenciement économique, le licenciement de trois salariés ayant été projeté au départ. Il contestait également le caractère réel et sérieux de son licenciement, considérant que son poste n’avait pas été supprimé.
Bien que cette décision soit rendue sous l’empire des anciens articles L. 1233-3 et L. 1233-8 du code du travail, il nous semble qu’elle s’appliquera également aux litiges nés sous l’empire des nouvelles dispositions.
Le caractère collectif ou individuel du licenciement pour motif économique s’apprécie par rapport à la situation finale de l’opération, le cas échéant après reclassements
La Cour rappelle tout d’abord les dispositions de l’article L. 1233-8 du code du travail, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : « L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité d’entreprise dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, les délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés, dans les conditions prévues par la présente sous-section. »
La doctrine, faisant une lecture a contrario du texte, avait considéré que lorsque le licenciement pour motif économique était individuel, le comité d’entreprise ou les délégués du personnel (aujourd’hui remplacés par le comité social et économique) n’avaient pas à être consultés (v. Rép. trav., v° Licenciement pour motif économique : procédure, par J.-F. Paulin, n° 116 ; Documentation pratique sociale, Série NB – Licenciement, Éditions Francis Lefebvre). Seuls quelques auteurs englobaient les licenciements individuels dans les développements relatifs aux « petits » licenciements économiques ou n’en faisaient pas état (M. Cohen et L. Milet, Le droit des comités sociaux et économiques et des comités de groupe, LGDJ, 2020). Cette lecture était assez judicieuse, puisqu’elle prenait en compte le sens littéral des dispositions légales. Elle trouvait également écho dans la lecture combinée des articles L. 1233-5 et L. 1233-7 du code du travail, qui traitent des critères d’ordre des licenciements et distinguent les licenciements…