Cass. Soc., 11 septembre 2024 (n°22-24.514)

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser les éléments devant être invoqués dans la lettre de licenciement, en se prononçant sur le point de savoir si la datation des faits invoqués dans cette dernière était nécessaire.

En l’espèce, après avoir été licencié pour faute grave fondée sur des vols et des détournements le 13 janvier 2013, un salarié a saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement.

Les juges du fond ont considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur à verser au salarié diverses indemnités. La Cour d’appel estimait notamment que l’employeur n’avait pas précisé au sein de la lettre de licenciement la date de découverte de l’ampleur des détournements reprochés au salarié, qu’il situait pourtant au 20 décembre 2012, à la faveur d’une réunion qui se serait tenue au siège d’une autre société. Le salarié était donc fondé à opposer à l’employeur la prescription des faits litigieux.

Dans le cadre de son pourvoi en cassation, la société soutenait notamment que la lettre de licenciement n’avait pas à préciser la date des faits reprochés, ni celle à laquelle ils avaient été découverts par l’employeur. Par conséquent, les juges du fond auraient seulement dû rechercher si l’employeur justifiait de cette découverte dans le délai de prescription, puis, dans l’affirmative, vérifier si les faits litigieux étaient de nature à justifier le licenciement pour faute grave, ou, a minima, pour cause réelle et sérieuse.

La question posée à la Haute Juridiction était alors celle de savoir si le seul fait que la lettre de licenciement ne précise pas la date des faits fautifs fondant le licenciement, ou la date de découverte de ces derniers par l’employeur, était de nature à priver la rupture de cause réelle et sérieuse.

C’est au visa des articles L.1232-6 et 1332-4 du Code du travail que la Cour de cassation répond par la négative. D’une part, la Cour pose le principe selon lequel, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n’est pas nécessaire. En ce sens, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs. En l’occurrence, la cour d’appel ne pouvait statuer ainsi alors qu’elle avait constaté que la lettre de licenciement, qui n’avait pas à préciser la date des faits reprochés, énonçait des griefs précis et matériellement vérifiables. D’autre part, la Cour ajoute qu’il appartenait aux juges du fond de vérifier si l’employeur justifiait de la découverte de ces faits dans les délais impartis, et, si ces faits étaient établis et justifiaient le licenciement.

Si cette décision ne constitue pas une réelle nouveauté en la matière – le principe selon lequel les juges du fond ne peuvent pas se fonder sur l’absence de précision quant à la date des griefs allégués par l’employeur pour en conclure à une absence de cause réelle et sérieuse du licenciement avait d’ores et déjà été posé dans plusieurs décisions (Cass. Soc., 7 mars 1995, n°93-43.415 et 93-43.596 ; Cass. Soc., 5 janv. 1995, n°93-42.190) – elle a le mérite de confirmer la position de la Cour de cassation et d’inviter les sociétés à la plus grande rigueur dans une telle situation afin d’éviter toute potentielle contestation.


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