Cass. soc., 26 mars n°23-17.544 F-B

Dans la présente affaire, un salarié cadre dirigeant, après une rupture amoureuse avec une collègue, a utilisé sa messagerie professionnelle pour tenter de renouer le dialogue, malgré la volonté clairement exprimée de son ex-compagne de ne pas poursuivre leur relation. Ce comportement a engendré une souffrance au travail pour la salariée, attestée tant par le médecin du travail que par la hiérarchie. Il a ainsi été licencié pour faute grave.

Le salarié conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale en soutenant que, bien que ces événements aient pu troubler le fonctionnement de l’entreprise, ceux-ci relevaient de sa vie privée et ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’ils étaient liés à la vie professionnelle et constituaient une violation d’une obligation découlant de son contrat de travail, ce qui n’était pas le cas selon lui. Il arguait également que le simple fait de chercher à obtenir une explication à un dépit amoureux ou de tenter de renouer le dialogue après une rupture ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise.

La cour d’appel a rejeté ces arguments. Elle a d’abord relevé que l’employeur avait été alerté par le médecin du travail sur la situation de mal-être de la salariée concernée, potentiellement délétère pour sa santé et résultant de difficultés relationnelles avec le salarié.

Ensuite, elle a constaté, sur la base des courriels envoyés via la messagerie professionnelle, du témoignage de la manager et d’un courrier du médecin du travail, que le salarié avait adopté un comportement déplacé envers cette collaboratrice. Il avait persisté à entretenir des échanges malgré la volonté clairement exprimée de la salariée de limiter leur relation au strict cadre professionnel, générant ainsi une souffrance au travail.

La Cour de cassation a validé l’analyse des juges du fond.  

Tout en rappelant que des faits relevant de la vie personnelle du salarié ne peuvent, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’ils constituent un manquement à une obligation découlant du contrat de travail, la Cour de cassation a précisé que chaque salarié est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard de ses collègues en vertu de l’article L. 4122-1 du Code du travail.

Or, en l’espèce, bien que les faits trouvent leur origine dans la sphère personnelle, le comportement du salarié a porté atteinte à la santé psychique d’une collègue, caractérisant ainsi un manquement à son obligation de sécurité. La Cour a considéré que ce manquement, compte tenu de la position hiérarchique élevée du salarié – et même en l’absence de lien hiérarchique direct avec la salariée – était incompatible avec ses responsabilités et rendait impossible son maintien dans l’entreprise.

Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure rendue en la matière : l’employeur ne peut en effet – en présence d’un grief de harcèlement – échapper à sa responsabilité en arguant que la situation relève de la vie personnelle des salariés (Soc. 15 févr. 2023, n° 21-23.919).

L’arrêt commenté confirme qu’un collaborateur hiérarchiquement haut placé peut être licencié pour faute grave en raison d’un comportement inapproprié – sans nécessairement être qualifié de harcèlement – dès lors qu’il représente un risque pour la santé ou la sécurité d’un autre collaborateur.

A noter cependant que la position hiérarchique élevée du salarié est prise en compte expressément par la Cour de cassation et que la solution aurait pu être différente en présence des faits similaires entre deux salariés de même classification, et n’ayant que peu de responsabilité dans l’entreprise.


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