Dans cet arrêt du 6 juin 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles et juge que la mise en œuvre d’une revue du personnel sans consultation préalable du CHSCT est susceptible de caractériser un délit d’entrave dès lors que ladite revue constitue une évaluation occulte, de nature à avoir un impact sur la santé et la sécurité des salariés.
En l’espèce, l’employeur a mis en place un document intitulé « la revue du personnel » sans informer ou consulter au préalable le CHSCT. L’employeur présentait cette revue comme un outil ayant pour but de doter les managers du groupe d’un outil de gestion leur permettant de mieux appréhender les entretiens d’évaluation et d’améliorer l’appréciation de leurs collaborateurs. Les élus contestaient cette lecture et considéraient que la revue était en réalité un système d’évaluation occulte. Les élus ont saisi le tribunal correctionnel pour voir reconnaître un délit d’entrave de l’employeur, dans la mesure où ils n’avaient pas été consultés préalablement à la mise en place de cet outil.
Le tribunal correctionnel ainsi que la cour d’appel statuent en faveur du CHSCT : l’employeur se pourvoit en cassation.
La chambre criminelle rappelle dans un premier temps que le CHSCT doit être consulté avant toute décision d’aménagement importante modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. S’agissant des faits d’espèce, elle retient que :
- La revue du personnel, bien qu’étant présentée comme un document support à la formation des cadres destiné à améliorer l’entretien annuel d’évaluation des salariés, constitue en réalité une grille d’évaluation des compétences ;
- Cette grille étant différente de celle utilisée lors des entretiens annuels qui avait été notifiée aux salariés, elle constitue un système d’évaluation occulte ;
- En tant qu’outil d’évaluation, dont la finalité est de servir à déterminer les modalités de promotion interne, elle est « de nature à générer une pression psychologique importante sur les salariés », et qu’à cet égard, la revue aurait dû être présentée au CHSCT avant son introduction dans l’entreprise.
Ce faisant, la chambre criminelle juge qu’une entreprise qui a mis en place, sans consultation préalable du CHSCT, un outil RH constitutif d’un dispositif d’évaluation occulte, commet un délit d’entrave au regard des missions du CHSCT. A notre sens, cette solution est transposable au CSE, qui exerce les attributions du CHSCT depuis 2017.
Cass. crim., 6 juin 2023, n° 22-83.037