CE, 9ème – 10ème chambres réunies, 17 octobre 2023, n°464551
Par un arrêt du 17 octobre 2023, le Conseil d’Etat précise que le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu prévu par l’article 81 A du Code général des impôts (CGI), est déterminé par référence au lieu d’établissement de l’employeur réel des salariés détachés à l’étranger. Cette exonération ne s’applique que lorsque l’employeur est situé en France, dans un pays de l’Union européenne (UE) ou dans un autre pays participant à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).
En l’espèce, un salarié, résident fiscal français, est envoyé travailler à bord d’un navire en Namibie et en Angola pour le compte d’une entreprise basée à Jersey, avec laquelle il signe un contrat de travail. L’activité du salarié était en pratique organisée et contrôlée par la société mère du groupe, établie en Grèce.
A la suite d’un contrôle fiscal, l’administration a remis en cause l’application de l’exonération d’impôt sur le revenu aux salaires versés au salarié au titre de son activité professionnelle exercée à la fois en Angola et en Namibie.
Saisis du litige à l’initiative du contribuable, le tribunal administratif de Rennes et la cour administrative d’appel de Nantes ont tous deux donné raison à l’administration fiscale.
La question posée au Conseil d’Etat était ainsi de savoir si le bénéfice du régime prévu à l’article 81 A du CGI était automatiquement déduit de la conclusion d’un contrat de travail formellement conclu ou s’il était opportun d’analyser la réalité des relations de travail afin de retenir l’employeur réel du salarié auprès duquel ce dernier.
Le Conseil d’Etat, dans sa décision du 17 octobre 2023 suit les conclusions du rapporteur public et adopte une approche réaliste de la notion d’employeur en faisant droit à la demande du contribuable. Il juge qu’un salarié qui est lié par un contrat de travail avec une société qui ne remplit pas les conditions de l’article 81 A du CGI, ne suffit pas à exclure qu’il ne puisse pas se trouver, en pratique, dans une relation de subordination à l’égard d’un employeur répondant aux exigences posées par ce régime.
Par cette décision, le Conseil d’Etat remet, ainsi, en cause la doctrine administrative qui considère que l’employeur s’entend de l’entité juridique à laquelle le salarié est contractuellement lié (BOI-RSA-GEO-10-10 n°110 du 10 juin 2013).