Un directeur des opérations, embauché par une société de sécurité, constate, dans le cadre de l’exercice de ces fonctions, l’existence de graves irrégularités relatives au non-respect de la réglementation des sociétés de sécurité, irrégularités de nature à caractériser le délit prévu par l’article L. 617-4 du Code de la sécurité intérieure (en l’espèce, la vente de prestations de sécurité par une société non autorisée).

Le salarié alerte en conséquence oralement et par courrier sa hiérarchie et la direction de son entreprise de ces faits constitutifs d’un délit. À la suite de cette dénonciation, le salarié est licencié pour faute grave.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir la nullité de son licenciement au titre de la protection due aux lanceurs d’alerte prévue à l’article L. 1132-3-3 du Code du travail. Le conseil des prud’hommes prononce la nullité du licenciement, suivi par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 8 juill. 2021, n° 19/05410[DRR1] ).

La société se pourvoi alors en cassation, en estimant que les conditions ouvrant droit à la protection du salarié n’étaient pas réunies. Elle allègue, notamment, le défaut de caractère désintéressé de la démarche de dénonciation du salarié, la période d’essai de ce dernier étant en cours de renouvèlement et de nouveaux avantages salariaux étant en cours de négociation.

La Cour, dans sa décision du 13 septembre 2023 (Cass. soc. 13 sept. 2023, n° 21-22.301) rejette le pourvoi en rappelant que le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, cas prévu au premier alinéa de l’article L. 1132-3-3 du Code du travail (dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016), n’est pas soumis à l’exigence d’agir de manière désintéressée.  

La Cour s’en tient ici à une lecture stricte des dispositions de cet article : le premier alinéa ne faisant nullement référence à l’exigence d’une démarche désintéressée, contrairement au lanceur d’alerte mentionné au deuxième alinéa, lequel devait avoir effectué son signalement dans le respect des conditions posées aux articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, parmi lesquelles figure le caractère désintéressé susmentionné.

En conséquence, le salarié pouvait bénéficier de la protection accordée aux lanceurs d’alerte du moment qu’il avait relaté les faits sans mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

La Cour confirme ici son interprétation stricte des dispositions de l’article L. 1132-3-3, déjà retenue dans une décision du 1er juin 2023, où elle avait précisé que la simple dénonciation de faits « pouvant recevoir une qualification pénale » ne suffisait pas à accorder la protection au lanceur d’alerte, les faits devant impérativement être constitutifs d’un délit ou d’un crime (Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22-11.310Actualité Ogletree, 6 juin 2023). Il convient toutefois de rappeler que les dispositions de la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 ont, entre autre, supprimé la condition liée au caractère désintéressé de l’alerte : il est seulement exigé désormais que le lanceur d’alerte ait agi de bonne foi et sans contrepartie financière directe.


 [DRR1]Lien hypertexte à rajouter.


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