Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 17 avril 2025, n°492418

En application de l’article L.3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon un même horaire collectif, l’employeur est tenu d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail.

Le travail doit alors être décompté, d’après les termes de l’article D.3171-8 du même code, quotidiennement par enregistrement des heures de début et de fin de travail ou, chaque semaine par récapitulation du nombre d’heures de travail accomplies par chaque salarié.

Le 17 avril 2025, le Conseil d’État a eu à se prononcer sur la question de la conformité, au regard des exigences légales en matière de contrôle du temps de travail, d’un logiciel paramétré pour afficher par défaut un horaire théorique, avec une rectification hebdomadaire manuelle effectuée par le salarié afin d’y reporter les heures effectivement travaillées.

A la suite d’un contrôle de l’inspection du travail, la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de Normandie a prononcé à l’encontre d’une société une amende de 18 390 euros au titre d’un manquement à l’obligation d’établir un système objectif, fiable et accessible de décompte de la durée de travail.

En l’espèce, l’employeur a choisi de recourir à un outil informatique comportant les heures de travail des salariés de manière anticipée, avec une rectification hebdomadaire.

Estimant toutefois que le système mis en place est objectif, fiable et accessible, la société a contesté la sanction devant le tribunal administratif.

Par un jugement du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande. Son raisonnement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Nantes par un arrêt du 9 janvier 2024 précisant que le système ne permettait de satisfaire aux obligations légales précitées concernant le décompte du temps de travail puisque, jusqu’au jour de leur rectification, le nombre d’heures de travail effectuées chaque jour pouvait ne pas correspondre à la réalité du nombre d’heures accompli.

Saisi du litige, le Conseil d’Etat censure ce raisonnement, en rappelant que l’exigence d’un système objectif, fiable et accessible de décompte de la durée de travail vise les entreprises ayant mis en place des horaires individualisées, pour lesquelles un décompte de la durée de travail effectuée par chaque salarié, chaque jour et chaque semaine, est requis (CE 30 juin 2023, n°466290 et n° 467553).

Il précise ensuite que le recours à un tel dispositif informatique est possible, à condition que les discordances entre les heures anticipées et effectives soient corrigées pour chaque jour et semaine de travail.

Enfin, il ajoute que, si la brièveté du délai de correction constitue un critère pertinent afin d’apprécier le caractère objectif, fiable et accessible du système, un écart provisoire dans le décompte des heures ne saurait, à lui seul, remettre en cause la conformité du dispositif.

Le Conseil d’Etat annule en conséquence l’arrêt au motif que la cour a commis une erreur de droit.

Ainsi, le simple fait que les horaires affichés dans le logiciel soient temporairement différents des heures réellement travaillées est conforme aux exigences légales, tant que des corrections peuvent être effectuées rapidement et de manière fiable.


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